Jacqueline Lichtenstein, “Les raisons de l’art: Essai sur les théories de la peinture”

Des différentes façons de voir l’art et les œuvres d’art…

Lorsque quelqu’un nous présente une œuvre d’art, on a souvent l’impression qu’il n’y a qu’un seul point de vue possible.

Dans le “monde de l’art” on trouve les artistes (sans qui l’art n’existerait pas), les critiques (qui opinent selon le marche de l’art ou l’actualité), les historiens (qui étudient les œuvres dans un contexte historique) et les philosophes (qui élaborent des concepts et théorisent), … Chaque catégorie d’acteur a, donc, un point de vue différent…

L’acteur commente ces différents points de vue et présente leurs incohérences et incompatibilités. Il n’est pas évident de faire une analyse de ces différentes approches sans bien les connaître tous. L’auteur semble bien remplir cette contrainte. En revanche, elle fait partie d’une des catégories – historien de l’art – et ne cache pas une certaine partialité. Ne cache par, par exemple, son désaccord avec les philosophes mais son discours semble assez objectif.

Ce livre peut générer des polémiques puisque chaque acteur va sûrement défendre son point de vue, des points de vue sûrement irréconciliables.

Déjà que l’art est quelque chose d’indéfinissable, cela semble ajouter à la confusion… Et c’est bien !!!

Pour moi, le plus grand mérite de ce livre a été de m’apprendre à recevoir un commentaire sur l’art et des œuvres d’art et de le placer tout de suite dans dans le contexte de celui qui commente et de comprendre pourquoi.

Quatrième de couverture

Nietzsche ne s’y est pas trompé : “Toujours le créateur s’est trouvé en désavantage vis-à-vis de celui qui ne faisait que regarder sans mettre lui-même la main à la pâte”.

Triste privilège de la peinture : les philosophes énoncent des propositions sur la technique picturale et l’histoire de cet art indépendamment de tout critère empirique de validité, sans mobiliser aucune connaissance ni expérience, à l’encontre des philosophes qui, écrivant sur la musique – Nitezsche, Schopenhauer, Adorno ou Jankélévitch -, s’appuient toujours sur un savoir et sur un savoir-faire. Pourquoi la peinture, objet d’un discours philosophique sans objet, autorise-t-elle les interprétations sans contrôle, les analyses purement auto référentielles ?

Jacqueline Lichtenstein date du coup de force théorique de Kant, posant la double autonomie du jugement de goût par rapport au jugement de connaissance et de la théorie esthétique par rapport à la pratique artistique, la plupart des impasses philosophiques de l’esthétique.

En regard, elle restitue, à partir de l’étude des conférences de l’Académie royale de peinture et de sculpture de 1667 à 1793, l’importance de l’analyse artistique – l’explication de l’oeuvre, chose mentale et matérielle tout à la fois, par les peintres. Ils y puisaient l’occasion de soulever un problème précis touchant à l’une des “difficultés” rencontrées – le sujet et la correction du dessin ; la répartition des lumières ; les libertés que le peintre peut prendre par rapport à l’histoire ; l’expression des passions.

Dans ce qu’on appelle philosophie de l’art, écrivait Friedrich Schlegel, il manque habituellement l’une ou l’autre : ou bien la philosophie, ou bien l’art. S’il fallait choisir, Jacqueline Lichtenstein soutiendrait sans doute aucun l’art contre la philosophie. Ou plutôt contre une certaine philosophie.