Laurent de Sutter – L’Âge de l’anesthésie

Laurent de Sutter est professeur de théorie du droit à la Vrije Universiteit Brussel.

J’ai été très déçu par ce livre. Je me demande si je dois le classer dans la catégorie militantisme ou complotisme.

L’expression qui vient sans cesse est “psychopolitique du narcocapitalisme”. Expression que, même avec un peu d’effort je n’ai pas trouvé de sens dans le contenu.

Le livre commence par un rappel historique du dépôt d’un brevet concernant l’utilisation de l’éther sulfurique comme anesthésiant dans les interventions chirurgicales. Puis il enchaîne sur la découverte des qualités de l’hydrate de chloral dans les traitements de syndromes maniaco-dépressifs. Puis la cocaïne conseillée dans le sevrage de l’opium. Et d’autres molécules utilisées dans les traitements contre la dépression.

Et c’est par la fabrication synthétique de la cocaïne par les Laboratoires Merck qui le début de sa plaidoirie contre les laboratoires pharmaceutiques. Il s’ensuit les activités de Rhône-Poulenc et autres laboratoires.

Puis une trentaine de pages dont le sujet est la pilule anticonceptionnel, qu’il explique le principe de fonctionnement : la désactivation du fonctionnement hormonal du cycle menstruel.

L’explication de l’expression “psychopolitique” est donné en note de bas de page (p. 42) et attribué à Kenneth Goff faisant référence à Lavrenti Beria, patron de la NKVD (ancêtre du KGP soviétique).

A la page 60, il dit que les banques auraient survécus à la crise financière de 2008, grâce à l’argent du trafic de cocaïne. Pour cela, il mentionne une thèse qui serait défendue par Antonio Maria Costa, directeur du Bureau des Nations Unies sur les drogues et la criminalité dans une interview à “The Observer” en 2009, sans toutefois avancer des preuves. Il ne me semble pas utile cette mention si la thèse n’est pas confirmée.

Mais revenons…

On parle peu d’anesthésie dans ce livre, et beaucoup plus des antidépresseurs et des molécules anticonceptionnelles. Alors que l’expression “psychopolitique du narcocapitalisme”, ce thème est peu traité, voire pas traité du tout. Pas plus que suggérer que ces laboratoires poussent à la consommation et font beaucoup d’argent. Aucun traitement véritable du sujet narcotrafic et le rapport avec le capitalisme.

Il est vrai que l’on voit passer, de temps en temps, des dénonciations de comportements peu éthiques de la part de certains laboratoires pharmaceutiques, mais… Il ne faut pas généraliser.

Que les médicaments antidépresseurs ont des effets collatéraux, c’est connu. Les pilules en ont aussi aussi. Mais ces médicaments sont, globalement, utiles. Si on ne souhaite pas courir le risque des effets collatéraux de ces médicaments, il suffit de ne pas les prendre, mais pour cette raison et pas parce que l’on est gêné par l’existence supposée d’une “psychopolitique narcocapitaliste”, que l’on ne comprends même pas bien de quoi il s’agit. Et la recherche avance, on peut espérer avoir, à l’avenir, des médicaments plus efficaces et moins dangereux.

Et ces considérations sont valables pour n’importe lequel produit pharmaceutique…

Quatrième de couverture

Antidépresseurs, somnifères, cocaïne, pilules : nos vies ressemblent désormais à des pharmacies. Nous ne parvenons plus à agir autrement qu’en nous aidant de substances chimiques – une pilule pour nous réveiller, une autre pour travailler, une troisième pour faire la fête, une quatrième pour éviter les conséquences et une dernière pour nous endormir. Mais que dit cette addiction de notre présent ? Pourquoi avons-nous décidé de soutenir nos existences avec des produits dont les origines remontent aux sources du capitalisme industriel ? Que signalent-ils de notre abandon aux exigences d’un monde qui réclame de nous à la fois que nous fassions preuve de créativité et d’initiative et que nous marchions droit ? La réponse est peut-être la suivante : derrière la pléthore de substances que nous ingérons, inhalons ou nous injectons, ce qui se dissimule n’est rien d’autre qu’une manière d’éviter le plus angoissant : la possibilité de l’excitation. L’excitation qui n’est pas celle des vies individuelles, mais celle de la contamination de ce que la chimie ne peut annihiler : l’excitation politique. La pharmacie du capitalisme fait de nous des drogués obéissants ? Il est temps de chercher à la comprendre.