Joseph Kessel – Jugements derniers

C’est le compte rendu de trois grand jugements – Pétain, Nuremberg et Alfred Eichmann – écrits par Joseph Kessel, en tant que journaliste. Vaut la peine rappeler que, en plus de journaliste, Kessel était aussi résistant et juif.

Même si, à l’exception du préface, le contenu tout entier a été écrit par Joseph Kessel, on remarque bien la changement de style entre les différents jugements. Il s’agissait, au départ, des deux premiers jugements, assemblés par Francis Lacassin (qui a aussi écrit la préface), auxquels a été rajouté le récit du jugement de Eichmann.

Ces chroniques sont parues dans les journaux de l’époque, puis rassemblés dans des livres : “Les instants de vérité”, “Terre d’amour et de feu. Israël, 1926-1961” et “L’heure des châtiments”.

La première partie (Pétain), il s’agit d’un récit du jugement, jour par jour. Kessel ne rentre pas trop dans les détails des discussions. C’était plutôt une chronique. Kessel se montre un fin observateur des réactions des uns et des autres, rapportant les sauts d’humeur de Pétain, son parfois agacement avec les photographes, la position de ses mains, … et la réaction finale de Pétain lorsqu’il apprend qu’il a été condamné à mort.

La deuxième partie, Jugement de Nuremberg, se sont des fragments pas nécessairement dans l’ordre chronologique. Là encore, ce qui ressort est surtout le côté observateur de Joseph Kessel. C’est presque comme si, tout en connaissant le but du jugement, il faisait abstraction de ce qui se passait pour ne faire qu’observer le comportement des uns et des autres.

Dans la troisième partie, bien plus longue, Joseph Kessel entre dans le détail du contenu des débats, la stratégie de défense de Eichmann, l’attaque du Procureur, … Comme avant, il observe attentivement le comportement de l’accusé, mais aussi du président de la cour e du procureur. Si dans les deux premiers jugements Joseph Kessel se montrait presque neutre dans celui-ci il démontre, beaucoup plus, prendre parti de l’accusation. Ceci n’est pas une critique, mais juste une remarque – même sans le recul que nous avons aujourd’hui, j’imagine qu’à l’époque on ne pourrait pas penser autrement.

Finalement, c’est un livre de 250 pages qui parle de trois historiques. On ne peut pas s’attendre un récit complet, mais il n’est pas intéressant. Il ne s’agit pas d’un récit écrit pas un historien, mais un récit d’un journaliste rapportant ses impressions sur le moment, un journaliste qui était un fin observateur.

Citations

(p.101-103)

Le premier président Mongibeaux, sa toque sur la tête, commence la lecture des attendus.

Elle va durer vingt minutes. Vingt minutes interminables. Vingt minutes au cours desquelles la voix impassible, impitoyable cite une à une les fautes, les défaillances, les trahisons retenues par la Haute Cour.

Dès le premier instant, dès que le président Mongibeaux a désigné l’accusé par son seul nom, dès qu’il a dit : “Pétain” tout court, chacun, dans la salle, où le silence est soudé comme un bloc, chacun a compris à quelle sentence vont mener tous ces alinéas, tous ces paragraphes.

Il touchait son képi d’or et de gloire d’un mouvement nerveux. Il caressait impatiemment le bras de son fauteuil. Il mettait un doigt entre ses lèvres frémissantes. Il portait en pavillon la main à son oreille. Parfois, il se tournait vers ses défenseurs qui, immobiles, rigides, le surplombaient de leurs robes noires et de leurs visages anxieux.

Le maréchal Pétain comprenait-il ? Entendait-il ?
“Peine de mort.”
“Indignité nationale.”
“Confiscation de tous les biens.”

La voix du président Mongibeaux n’a pas changé de timbre.

Puis elle s’est tue.

Celui qui – de par la sentence – n’est plus le maréchal Pétain, regarde le tribunal, regarde ses avocats. Il ne se lève pas.

A-t-il compris ? A-t-il entendu ?

– Gardes, emmenez le condamné, dit le président.

Et l’accusé se lève. Mais il n’a plus ses ouvements assurés, les jambes hésitent. Il fait un pas vers la gauche. Un autre vers la droite. On dirait, pour un instant, qu’il est aveugle.

Et voilà qu’il s’en va, qu’il passe par la porte étroite, qu’il disparait.

Il était 4h30; le 15 août 1945.

Quatrième de couverture

Paris, août 1945 : le maréchal Pétain, ex-chef de l’État français, assiste, muré dans le silence, à son procès. Nuremberg, novembre 1945 : vingt et un dignitaires du IIIème Reich prennent place sur le banc des accusés. Jérusalem, avril 1961: Adolf Eichmann répond devant un tribunal israélien de sa participation à la Solution finale. Envoyé spécial de France-Soir, Joseph Kessel met ici son talent exceptionnel d’homme de lettres au service d’un récit dramatique où la justice rencontre l’histoire.