Christian Ingrao – Les chasseurs noirs : La brigade Dirlewanger

J’ai commencé à lire ce livre pensant aux Einsatzgruppen. Or, ça n’a rien à voir.

Ce groupe a été créé à la demande de Hitler lui même, sûrement influencé par Himmler. Leur objectif initial était la “chasse” aux partisans de l’Europe de l’Est. Le mot “chasse” n’est pas excessif puisqu’il s’agissait de constituer la brigade à partir de criminels condamnés par des actes de braconnage, soit en prison, soit encore en liberté, avec la promesse de liberté selon leur efficacité dans le front.

Selon l’auteur, ce n’est pas la première fois que l’on voit ça dans l’histoire. Et je me demande pourquoi on ne voit plus de brigades de ce genre dans la deuxième guerre.

Les membres des Einsatzgruppen, de leur côté, étaient recrutés selon les procédures habituelles des SS et leur mission, en principe, au départ, était l’élimination des communautés dites “indésirables”.

Donc, la brigade Dirlenwanger était une vraie brigade constitué de voyous et ils se sont comportés comme tels. Quelques exemples dans les citations. Des massacres tels celui de Oradour sur Glane semblent avoir été monnaie courante dans cette brigade (chez les Einsatzgruppen et les SS aussi) dans les campagnes de l’Est.

C’était une atrocité pour le plaisir et j’ai du mal à concevoir une “banalité du mal” dans ces conditions. Il s’agit sûrement d’une psychopathologie. Himmler et Hitler ne pouvaient pas ignorer les conséquences de l’utilisation d’une brigade constituée de voyous.

Finalement, les survivants de cette brigade n’ont jamais été inquiétés après la guerre, par manque de preuve. De même, le travail des historiens reste incomplet, aussi par manque de références.

Citations

(p. 114)

Voilà donc une unité dont tout l’environnement hiérarchique et disciplinaire dit la spécificité. Dirigée par un marginal et composée de marginaux, elle semble presque accidentelle. Et pourtant, sa création et la nomination de Dirlewanger à sa tête sont loin d’être le fruit d’un hasard ou d’une erreur. Le choix, opéré au plus haut de l’État nazi de mobiliser les délinquants cynégétiques au service de la lutte contre les partisans jette une lumière crue tout à la fois sur ceux qui prirent cette décision, sur ceux qui furent l’objet, et sur le type d’activité auquel on destinait ces hommes et l’unité qu’ils formaient.

(p. 130)

Un exemple permet cependant de comprendre dans quelle mesure l’unité était considérée comme l’une des plus adaptées à la forme de guerre menée par les Allemands en Biélorussie. Durant toutes leurs opérations sur ce théâtre, les Allemands furent confrontés à l’épineux problème des mines antipersonnel. L’une des pratiques des partisans consistait en effet à miner les routes et les abords des forêts, ce qui tenait lieu tout à la fois de système d’alarme et de moyen commode de détruire les infrastructures de communication de l’occupant. Or, la Sondereinheit mit en place à l’été 1943 une “méthode” qui fit école. Voici comment la présentait le supérieur hiérarchique de Dirlewanger dans le rapport final pour l’opération “Cottbus” : “Le minage de la plupart des voies et des chemins a rendu l’emploi de détecteurs de mines conformes aux ordres nécessaire. Le détecteur de mines mis au point par le bataillon Dirlewanger a passé le test avec succès.”. Ce que von Gottberg entendait par “appareil de déminage” consistait en fait à réunir les habitants russes des villages de la zone et à les faire marcher en ordre serré devant les troupes pour faire détonner les engins posés par les partisans, la justification résidant dans la complicité de ces populations avec les poseurs de mines. […] l’unité Dirlewanger apparaissait ici comme “innovante”” aux yeux de sa hiérarchie.

(p. 133)

C’est un ancien soldat ds pionniers qui a livré le témoignage le plus saisissant des exactions. Son unité semble avoir été intégrée aux groupes de combat formés pour prendre d’assaut les quartiers d’Okhota et de Wola, et il donne un aperçu de ce que fut le comportement des hommes de la Dirlewanger, notamment lors de l’assaut d’un hôpital et d’un couvent : “Je voudrais maintenant décrire l’assaut contre l’hôpital. Comme d’habitude, avance par bonds sur l’objectif, jeu de grenade, et après la détonation , entrée. Alors que je lançais a charge, j’entendis crier : “Ne tirez pas :” de l’intérieur. Que devait-on faire ? J’enjoignais par signe à mes camarades allongés à vingt mètres de me couvrir de leur feu. J’ordonnais aux Polonais d’ouvrir la porte et de sortir les mains levées. A l’intérieur, j’entendais des bribes de conversation pour partie en polonais et pour d’autres en allemand. La porte s’ouvrit lentement et une infirmière de la Croix-Rouge sortit un drapeau blanc. Mes camarades s’approchèrent alors et nous entrâmes baïonnettes au canon. […] Un officier polonais, un médecin et quinze infirmières polonaises de la Croix-Rouge rendirent l’hôpital. Les allemands nous demandèrent de ne pas faire de mal aux Polonais. Alors arrivèrent les SS. Ils exécutèrent immédiatement tous les blessés polonais, et agressèrent les infirmières, qui furent bientôt dépouillées de leurs vêtements et violées. Nous fûmes poussés vers la seconde issue de l’hôpital […] Quand nous pûmes revenir le soir – les SS nous avaient relevés – il y avait un tumulte sur la place de la potence. Des soldats de toutes les unités, des SS, des Ukrainiens organisaient un concert de flûtes et de chant, et c’est là que je fus le témoin d’un événement qui était si effroyable et horrible que je peux à peine le décrire cinquante ans après. Les SS poussaient les infirmières nues, les mains sur la tête, vers la potence. Ils avaient taillé une courte tunique au médecin, lui avaient passé une corde au tour du cou, et le poussèrent vers une potence, à laquelle dix civils se balançaient déjà. La foule riait et vociférait. Les protestations de certains soldats se perdaient dans la foule.

(p. 179-180)

Les viols commis par l’unité en Biélorussie n’intervinrent pratiquement jamais durant les opérations : les femmes étaient saisies, ramenées au camp, puis violées. Il n’en fut rien en Pologne : le viol concrétisait la prise de contrôle, immédiatement après l’assaut, et peu importait si des infirmières ou des nonnes étaient profanées.

Ainsi l’Hauptsturmfüḧrer B. combinait viol et brutalité centrée sur les organes génitaux féminins, par introduction des grenades à manche dans le vagin des prisonnières avant de les faire détoner. On manquerait l’essentiel à rabattre cette pratique à la sphère de la psychopathologie perverse. l’anthropologie historique incite plutôt à l’analyse en terme de désir de s’attaquer à la matrice des ennemis, comme élément de transmission de la filiation, de l’identité.

Quatrième de couverture

La première étude sur les SS-braconniers de Hitler.

Les chasseurs noirs… Des repris de justice, des braconniers auxquels Himmler en personne propose la liberté en échange d’une chasse à l’homme dans les forêts ukrainiennes et biélorusses. L’homme chargé de ce contrat faustien, Oskar Dirlewanger, est lui-même un marginal : volontaire de la Grande Guerre, ” réprouvé ” des corps francs, il s’est battu, en soldat puis en militant nazi, contre le ” monde d’ennemis ” qui, à ses yeux, menaçait l’Allemagne.

La guerre, les chasseurs noirs la mènent contre les partisans ; ils prennent aussi en charge les cohortes de Juifs polonais parqués dans les camps de travail et écrasent le soulèvement de Varsovie à l’été 1944. Les hommes de l’unité spéciale massacrent, violent, pillent à un degré tel que la hiérarchie SS elle-même ouvre des enquêtes. Ce sont 200 villages biélorusses qui connurent le sort d’Oradour, 30 000 hommes, femmes et enfants de Varsovie qui tombèrent, victimes des chasseurs noirs. Appuyé sur des archives allemandes, russes et polonaises, ce livre offre la première étude sur les SS braconniers de Hitler.