Marc Desaubliaux – Un homme sans volonté

C’est un roman, disons, récit d’une vie supposée ratée.

Les personnages, tous de l’aristocratie ou haute bourgeoisie. Le personnage principal, Louis, est un, à la fois, introverti et timide. Ces deux caractéristiques ne vont pas toujours ensemble, mais quand c’est le cas, ça donne des choses comme dans ce roman.

Ce livre raconte des morceaux de l’enfance, jeunesse et adolescence de Louis, personnage avec plein d’envies mais incapable de prendre des décisions. Il rate des occasions, il rate un éventuel mariage avec une copine avec qui il a eu une aventure très intime, Carole-Anne.

Il se montre capable d’avoir des actions osées, comme les relations intimes qu’il a avec CarAnne ou son voyage en URSS. Mais c’est toujours à l’initiative de l’autre, jamais de lui-même.

Les coups de colère sont même typiques de ce type de personnalité : introverti et timide. Il reconnaît ses limitations, il voit passer les opportunités ratées – il encaisse, il encaisse et fini par avoir besoin de défouler.

Il se sent mal compris dans ce qu’il fait. Ceci apparaît bien dans ses tableaux, certes appréciés, mais dont imparfait aux yeux des autres. Avec du tact on pourrait le convaincre d’aller plus loin – M. de Brétilly a ce tact.

Finalement, il laisse tomber la peinture et suit le chemin prévu dans sa famille – la Charge de son père. Celui-ci reconnaissant la faiblesse de son fils, désigne son beau-fils comme directeur général et son fils comme son adjoint.

Son indécision fait que ce n’est pas lui qui mène sa vie mais la vie qui lui mène.

Sa vie fait est une des déclinaisons possibles de la vie des surdoués. L’auteur ne dit pas, ou a voulu laisser au lecteur de l’interpréter.

40 ans après, il rencontre CarAnne… un échange anodin, des souvenirs reviennent… puis s’en vont…

Je ne pouvais pas ne pas remarquer le style du narrateur par rapport à Louis. Assez souvent, il parle de Louis, en début de chapitre, à la troisième personne, puis il passe à la première personne dans le même chapitre. Dans les chapitres où il n’est question que de Louis, c’est parfois le chapitre entier à la première personne.

La mention à un “pseudo-attentat” commit par des russes ainsi que l’arrestation de la famille russe qu’il a visité n’ajoutent rien au contenu du livre, d’autant plus qu’il n’y a aucune suite. Je n’ai pas vu l’intérêt.

J’ai beaucoup aimé ce romain, mais je remarque au passage que la mise en forme aurait pu être un peu plus soignée. C’est juste une remarque de forme qui n’enlève en rien la qualité du contenu. Une probable caractéristique des petits éditeurs. Cette pinaille est peut-être même une qualité face à l’industrialisation de la littérature.

Citations

(p. 162)

Elle repose sa tête sur l’oreiller du lit et fixa son regard sur celui du garçon.
– Le problème avec toi, Louis, c’est que toi aussi tu fuis mais sans prendre la même direction que moi. On n’arrive jamais à savoir ce que tu penses.
– Mais non, ce n’est pas ça…
– Alors c’est quoi ?
– Je n’en sais rien. C’est pas facile de répondre, c’est tout. Moi j’arrive pas à comprendre si c’est blanc ou noir, l’un ou l’autre, l’un et l’autre, l’un contre l’autre. J’arrive pas. Je dois être con. J’aime bien ce qu’on fait tous les deux mais pourtant, après, j’éprouve de la honte !
– Trop facile. Ose dire ce que tu penses, bon Dieux !
– Mais le problème c’est que je ne pense pas.
Carole-Anne se leva pour prendre un autre paquet de cigarettes et revint s’allonger pour fumer.
– T’en veux une autre ?
– Merci. Je n’ai plus envie.
Le bruit du briquet. La flamme, la première fumée, l’odeur forte. Le souffle de l’expiration, le petit nuage montant.
– Finalement, t’es un trouillard. T’as peur d’aimer, t’as peur de tout !

(p.248)

– Je suis ainsi fait que je ne veux pas ce que je peux avoir et je veux ce qui est impossible à avoir. Maintenant que CarAnne est mariée je regrette déjà que ce ne soit pas avec moi.

Quatrième de couverture

«Je m’ennuie depuis toujours. Une vie toute tracée avec des règles. Des conversations répétitives. Les semaines durent des siècles. Jamais je n’ai réussi à trouver la moindre issue à cette mort lente. J’ai pourtant essayé par la violence et la peinture, mais ça n’a rien donné. Un manque de volonté ? Ou le poids écrasant des conventions ? Je regarde les autres vivre et s’amuser… Je n’appartiens pas à leur monde. Je ne sais toujours pas qui je suis. J’ai bien un nom, un corps, mais qu’y a-t-il à l’intérieur ? Des courants contraires m’entraînent dans un sens puis dans un autre. Je ne suis même pas devenu vieux, car je n’ai jamais été jeune. Ma solitude augmente quand il y a du monde autour de moi. Je vis à côté d’eux. Des paroles sortent de ma bouche, ce ne sont pas les bonnes. Celles que je voudrais dire demeurent collées au fond de ma gorge. Alors je fais l’acteur et j’attends… La solitude… Et le pire, celle qui sera toujours la même au moment de mourir ».