Johann Chapoutot – Le meurtre de Weimar

Ça se passe en été 1932. Lors des élections au mois de juillet, Hitler s’attendait déjà à devenir Chancelier, mais … n’a pas été…

La presse nazie (Volkischer Beobachter) ne cesse pas de dramatiser et inoculer une peur génératrice de violence, comme quoi des SA ou des SS étaient lâchement assassinés par des communistes.

Les nazis comptaient à l’époque avec 400.000 SA et 52.000 SS, alors que les communistes, comptaient avec 130.000. C’étaient des militants mais plutôt des miliciens.

La nuit du 9 au 10 août, un groupe de SAs se réuni dans un bar tenu par un aussi SA, George Hoppe. Après être arrosés avec de la bière et schnaps, ils sont invités à faire une expédition punitive chez des communistes. Ils partent et finissent pas envahir le domicile de Konrad Pietzuch, ouvrier communiste, où il habitait avec sa mère et son frère. Konrad est sauvagement battu et assassiné (voir citation).

Le problème est que, peu de temps avant, les nazis avaient réussi à voter une loi comme quoi les assassinats politiques seraient punis avec une peine de mort. Cette loi s’est retourné contre eux puisque les assassins ont été jugés, moins de deux semaines après, et condamnés à mort. Cette affaire a largement défraya la chronique judiciaire. Plus d’une centaine d’assassinats politiques ont eu lieu cet été là, mais celui-ci est celui qui a été le plus remarqué.

L’exécution de la sentence a été retardé assez longtemps pour que Hitler soit désigné chancelier. Puis les sentences ont été annulées et condamnés libérés.

Dans ce livre, Johann Chapoutot développe la thèse comme quoi ceci est un des événements qui a contribué à la déstabiliser la République de Weimar et a désigner Adolf Hitler comme chancelier en remplacement de Von Papen. C’est la fin de la République de Weimar, d’où le titre du livre “Le Meurtre de Weimar”.

Citations

(p.6)

La petite troupe bat en retraite et se dirige vers une autre maison, celle où vit l’ouvrier communiste Konrad Pietzuch avec son frère et sa mère Golombek, frustré par l’échec précédent, grogne que “cette-fois-ci, ça doit marcher”. Deux SA montent la garde dans la rue pendant que les autres pénètrent dans la maison. Golombek se tenant prudemment en retrait pour ne pas être reconnu. La mère, Marie Pietzuch, réveillée en sursaut, est tenue en respect par un pistolet braqué sur son visage. Les deux autres frères, Konrad et Alfons, sont tirés de leur lit. Alfons est frappé à la tempe gauche avec une matraque ou une canne de billard, et s’évanouit. Son frère aine, Konrad, est longuement battu sur l’ordre de Golombek, qui a crié de “tabasser le gros”. Pendant un long quart d’heure, Konrad Pietzuch est frappé à coups de mains, de pieds, de matraque, de bâton. On le frappe avant tout à la tête et au torse : son corps révèle vingt-sept plaies ouvertes, plus deux à la jambe droite, sans compter une fracture du bras et une balle dans le poumon. A l’autopsie, le médecin légiste affirme que la victime a été foulée à terre et qu’elle est morte non par balle, mais à cause d’une hémorragie due aux piétinements : un talon de botte a broyé la pomme d’Adam de la victime et sectionné son artère carotide, provoquant un engorgement des poumons et une mort par étouffement.

Quatrième de couverture

Quand la République de Weimar est-elle morte ? On retient généralement un événement central : l’appel à la chancellerie, à Berlin, d’Adolf Hitler. On ne prête guère d’attention à un autre fait, provincial, obscur : l’assassinat violent, dans un bourg reculé de Silésie, d’un ouvrier communiste par cinq SA ivres et brutaux. Débordé par une base impatiente et altérée de pouvoir, Hitler fait une entorse à son légalisme proclamé et prend fait et cause pour les assassins. Devant la menace, le gouvernement commue la peine des meurtriers. L’État de droit prend fin : les nazis revendiquent une nouvelle légalité, qui fait des meurtriers des soldats et d’un crime, un acte de guerre ou de justice. Ce fait divers invite à une histoire politique et culturelle de la République de Weimar, mais aussi du parti nazi : le contentieux entre la base SA et la hiérarchie du parti devait être réglé plus tard, lors de la Nuit des longs couteaux.