Frank Bajohr – Korruption! Au coeur du système nazi
La corruption des allemands pendant la pĂ©riode nazie, on ne parle pas trop. On connais surtout la folie des grandeurs de GoĂ«ring avec sa collection d’oeuvres d’art qui Ă©taient « rĂ©quisitionnĂ©es » mais en vĂ©ritĂ© volĂ©es
Alors que les nazis ont beaucoup parlé de la corruption de la république de Weimar, le système nazi a été gangrené par la corruption, à tous les niveaux.
Pour ce qui est des anciens adhĂ©rents du parti, les SA et SS, dès la prise de pouvoir en 1933, il y a eu des « distributions » d’argent pour, soit disant, compenser les pertes et dommages subies par les adhĂ©rents avant 1933. A cela s’ajoute le nĂ©potisme : des dizaines de milliers d’emplois dans l’administration crĂ©er pour donner du boulot aux adhĂ©rents.
Puis est venu le temps des « rĂ©quisitions ». L’aryanisation, le pillage et le dĂ©pouillement des victimes du nazisme : les juifs, l’Autriche, les pays de l’est, les camps de concentration et d’extermination, …
Puis la confusion entre les biens publiques et les biens privés.
Et cela Ă tous les niveaux. Quasiment tous les cadres se sont fait « acheter » des propriĂ©tĂ©s, et mĂŞme des châteaux. Ou avaient des comptes bancaires destinĂ©s Ă recevoir des « donations ». MĂŞme des allemands qui n’Ă©taient mĂŞme pas des adhĂ©rents du parti ont pu profiter.
Les causes ? D’une part, lisant ce livre il m’a semblĂ© que honnĂŞtetĂ© ne faisait pas partie des qualitĂ©s des adeptes du nazisme et, d’autre part, l’organisation et contrĂ´le de l’administration n’a jamais Ă©tĂ© un objectif ni de Hitler ni des haut dirigeants qui Ă©taient, eux aussi, corrompus.
Ce livre raconte tout ça avec une Ă©norme quantitĂ© d’exemples. Il m’a semblĂ© un peu trop long mais finalement, c’est un livre de histoire avec des très nombreuses notes et rĂ©fĂ©rences.
Une question reste et restera sans réponse. Vu que nombreux nazis ont pu échapper à la dénazification à la fin de la guerre, et que leur butin provenait dans beaucoup de cas des personnes exterminés ou assassinées, ça a du faire la fortune de beaucoup.
Citations
(p. 277)
Si l’on apprĂ©hende le nazisme non pas comme une dictature du haut vers le bas, mais comme une pratique sociale Ă laquelle la sociĂ©tĂ© allemande participa de multiples façons, alors on voit que la corruption associait ensemble le pouvoir et la sociĂ©tĂ© et impliquait Ă©galement, par leur enrichissement, de nombreux « Allemands tout Ă fait normaux » dans la politique d’oppression et d’extermination nazie.
Quatrième de couverture
Que se passe-t-il lorsque la corruption s’installe au coeur de l’Etat ? Qu’advient-il du peuple qui ne l’accepte pas ? De ceux qui ferment les yeux ? Parler de corruption Ă l’Ă©poque nazie n’est pas la première chose qui vient Ă l’esprit, alors mĂŞme qu’une longue tradition historiographique nous a confortĂ©s dans l’idĂ©e d’une bureaucratie allemande entretenue dans l’ignorance des consĂ©quences dramatiques de ses actes. Pourtant l’ouvrage de Frank Bajohr apporte Ă cet Ă©gard un Ă©clairage Ă©difiant : le rĂ©gime nazi reposait sur une corruption quasi organique. le système rĂ©compensait les plus fidèles, enrichissait les plus zĂ©lĂ©s, spoliait les bannis. Argent, demeures, entreprises, uvres d’art changèrent de mains en quelques mois sans que les institutions garantes du droit n’aient rĂ©agi. Le vol, le pillage, occultĂ©s par une idĂ©ologie omniprĂ©sente, furent bien les leviers indispensables du pouvoir nazi et un rouage essentiel de la Shoah.
Comment tout cela fut-il possible dans ce grand empire allemand, traditionnellement attachĂ© Ă ses lois ? Le livre est nourri des scandales de ces SS avides, Ă la cupiditĂ© sans limite, affranchis de la moindre humanitĂ©. Budgets publics dĂ©tournĂ©s, petits et grands arrangements, incompĂ©tence gĂ©nĂ©ralisĂ©e tĂ©moignent contre la « supposĂ©e bonne gestion nazie ». Mais l’auteur va plus loin : les comportements des dirigeants Ă©rigĂ©s en modèles firent Ă©cole en libĂ©rant nombre d’Allemands « tout Ă fait normaux » des scrupules qui les retenaient encore. Un Rubicon moral avait Ă©tĂ© franchi…