Elie Wiesel – La nuit

Si on veut comprendre la Shoah du point de vue des survivants, il y a des livres qui sont essentiels. Celui-ci en fait partie. D’autres sont ceux de Primo Levi, Schlomo Venezia, Peter Frankl, Zalmen Gradowski (un membre du Sonderkommando qui n’a pas survécu, mais dont les écrits enterrés ont été découverts long temps après), …

Élie Wiesel est un Juif né un Roumaine en 1928. En 1944, la défaite de l’Allemagne était déjà considérée comme certaine. Néanmoins, les nazis continuaient à déporter et assassiner des Juifs, surtout des pays de l’Est – Roumanie, Hongrie, …

A cette époque, les Juifs attendaient l’arrivée des troupes russes d’un jour à l’autre. Ce sont les allemands qui sont arrivés le premier. Après quelques jours au calme, les Juifs ont été concentrés dans un ghetto, avant d’être déportés.

Élie Wiesel a été déporté vers Auschwitz, avec sa famille, en mai 1944. Sa mère et sa petite sœur ont été gazées tout de suite en arrivant. Son père est resté avec lui.

L’auteur raconte le contexte de vie avant la déportation, le voyage en train de bétail, l’arrivée à Auschwitz, et sa vie de prisonnier. Puis, en janvier 1945, il participe de la marche de la mort. Son père meurt à la dernière étape de cette marche, très affaibli il finira par être achevé par des S.S..

Ce livre témoignage, publié en 1958, a été le premier écrit de Élie Wiesel. Son contenu est parfois contesté mais sans arguments, à mon humble avis, assez sérieux pour remettre en cause cette phase de vie de Élie Wiesel. Ce ne sont que des questions que l’on pourrait se poser suite à des menus détails, des arguties. Voir la page Wikipédia de Élie Wiesel.

C’est un livre qui se lit très facilement, malgré quelques passages assez durs.

Citations

(p. 13)

Tout au fond de lui-même, le témoin savait, comme il le sait encore parfois, que son témoignage ne sera pas reçu. Seuls ceux qui ont connu Auschwitz savent ce que c’était. Les autres ne le sauront jamais.

Au moins comprendront-ils ?

Pourront-ils comprendre, eux pour quoi c’est un devoir humain, noble et impératif de protéger les faibles, guérir les malades, aimer les enfants et respecter et faire respecter la sagesse des vieillards, oui, pourront-ils comprendre comment, dans cet univers maudit, les maîtres s’acharnaient à torturer les faibles, à tuer les malades, à massacrer les enfants et les vieillards ?

Est-ce parce que le témoin s’exprime si mal ? La raison est différente. Ce n’est pas parce que, maladroit, il s’exprime pauvrement que vous ne comprendrez pas; c’est parce que vous ne comprendrez pas qu’il s’explique si pauvrement.

Et pourtant, tout au font de son être il savait que dans cette situation-là, il est interdit de se taire, alors qu’il est difficile sinon impossible de parler.

(p. 178)

Un groupe d’ouvriers et de curieux s’était rassemblé le long du train. Ils n’avaient sans doute jamais vu un train avec un tel chargement. Bientôt, d’un peu partout, des morceaux de pain tombèrent dans les wagons. Les spectateurs contemplaient ces hommes squelettiques s’entretuant pour une bouchée.

Un morceau tomba dans notre wagon. Je savais d’ailleurs que je n’aurais pas la force nécessaire pour lutter contre ces dizaines d’hommes déchaînés ! J’aperçus non loin de moi un vieillard qui se traînait à quatre pattes. Il venait de se dégager de la mêlée. Il porta une main à son cœur. Je crus d’abord qu’il avait reçu un coup dans la poitrine. Puis je compris : il avait sous sa veste un bout de pain. Avec une rapidité extraordinaire, il le retira, le porta à sa bouche. Ses yeux s’illuminèrent; un sourire, pareil à une grimace, éclaira son visage mort. Et s’éteignit aussitôt. Une ombre venait de s’allonger près de lui. Et cette ombre se jeta sur lui. Assommé, ivre de coups, le vieillard criait :

  • Méir, mon petit Méir ! Tu ne me reconnais pas ? Je suis ton père… Tu me fais mal… Tu assassines ton père… J’ai du pain… pour toi aussi… pour toi aussi…

Il s’écroula. Il tenait encore son poing refermé sur un petit morceau. Il voulut le porter à sa bouche. Mais l’autre se jeta sur lui et le lui retira. Le vieillard murmura encore quelque chose, pourra un râle et mourut, dans l’indifférence générale. Son fils le fouilla, prit le morceau et commença à le dévorer. Il ne put aller bien loin. Deux hommes l’avaient vu et se précipitèrent sur lui. D’autres se joignirent à eux. Lorsqu’ils se retirèrent, il y avait près de moi deux morts côté à côte, le père et le fils. J’avais seize ans.

Quatrième de couverture

Né en 1928 à Sighet en Transylvanie, Élie Wiesel était adolescent lorsqu’en 1944 il fut déporté avec sa famille à Auschwitz puis à Birkenau. La Nuit est le récit de ses souvenirs : la séparation d’avec sa mère et sa petite sœur qu’il ne reverra plus jamais, le camp où avec son père il partage la faim, le froid, les coups, les tortures… et la honte de perdre sa dignité d’homme quand il ne répondra pas à son père mourant.

« La Nuit, écrivait Élie Wiesel en 1983, est un récit, un écrit à part, mais il est la source de tout ce que j’ai écrit par la suite. Le véritable thème de La Nuit est celui du sacrifice d’Isaac, le thème fondateur de l’histoire juive. Abraham veut tuer Isaac, le père veut tuer son fils, et selon une tradition légendaire le père tue en effet son fils. L’expérience de notre génération est, à l’inverse, celle du fils qui tue le père, ou plutôt qui survit au père. La Nuit est l’histoire de cette expérience. »

Publié en 1958 aux Éditions de Minuit, La Nuit est le premier ouvrage d’Élie Wiesel qui est, depuis, l’auteur de plus de quarante œuvres de fiction et de non-fiction. Aux États-Unis, une nouvelle traduction, avec une préface d’Élie Wiesel, connaît depuis janvier 2006 un succès considérable. C’est cette nouvelle édition que nous faisons paraître.