Victor Malka – Dieux comprend les histoires drôles : L’humour perdu des juifs

L’auteur, Victor Malka est rabbin et journaliste.

Ce n’est pas un livre de blagues juives mais plutôt un essai sur le lien entre la philosophie (mode) de vie juive et l’humour. Pour lui, l’humour juif n’est plus ce qu’il était. C’était mieux avant.

L’auteur passe une bonne partie du livre à nous présenter de l’humour juif, assez particulier. Les Juifs utilisent l’humour comme une forme de baume, ils se moquent d’eux mêmes, des habitudes, des situations cocasses, sans être méchant ou humiliant. Ce qui peut étonner est que les Juifs se permettent même de faire des blagues avec Dieu. Qui n’a jamais entendu une bonne blague juive ??? Même ceux qui ne sont pas juifs peuvent s’apercevoir de la différence, je crois. C’est, à mon avis, la partie la plus intéressante du livre.

Selon lui, il y a eu un changement après la Deuxième Guerre, la Shoah et la création de l’Etat de Israel. Il est vrai que si l’on observe les humoristes juifs que l’on voit à la télé, ils se banalisent et pratiquent un humour très semblable à ceux des humoristes non juifs.

Le Goy que je suis à appris des choses intéressantes comme par exemple le vrai sens de cet humour ou la différence entre l’humour des Juifs ashkénaze et des Juifs séfarades. Ou encore l’humour pratiqué en Israël aujourd’hui.

Citations

(p. 49)

Il y a cette histoire qui faisait, dit-on, beaucoup rire le cher Sigmund [Freud] :

– Où vas-tu Shimon ?
– Je vais à Nancy !
– Tu me dis que tu vas à Nancy pour que moi j’imagine que tu vas à Metz, mais en vérité tu vas à Nancy. Pourquoi tu mens ?

(p. 64)

Quelle est la différence entre les mères siciliennes et les mères juives ?
La sicilienne dit :
“Si tu épouses cette femme, je te tue.”
La mère juive dit :
“Si tu épouses cette femme, je me tue.”

(p.73)

Juifs ashkénazes et juifs séfarades ont parfois les mêmes historiettes (qui sont autant de petites pièces) pour évoquer le cas des invités qui s’incrustent et qui, venus pour quarante-huit heures, sont encore là deux mois après et envisagent avec un houtzpa (culot) typiquement juive de prolonger autant que possible leur séjour, tous frais payés.

Le maître de maison tente de trouver un moyen de notifier au cousin abusif que “trop, c’est trop” et qu’il est grand temps pour lui de déguerpir et de regagner son foyer.

“Jouons à la comédie de la dispute, dit-il à son épouse. Nous verrons bien comment réagir s’il prend fait et cause pour l’un d’entre nous contre l’autre…”

Mais pendant la dispute, le cousin, prudent et soucieux de ne pas prendre parti, garde le silence.

“Et vous, lui demande l’épouse, que pensez vous de notre dispute, qui de nous a raison ?

-Oh, vous savez, pour pouvoir juger de la réalité des choses, il faudrait que je reste chez vous encore quelques semaines!”

(p.112)

L’humour qui irrigue certains de ces textes légendaires est un humour plus proche du poétique que du pathétique. Il ne cherche pas à transformer ou à contester le réel. Il veut consoler. Il veut instruire et éduquer. En tout cas, faire réfléchir. Il est incitatif ou suggestif. Il est doux comme une caresse.

Quatrième de couverture

Les juifs savaient rire d’eux-mêmes et des autres. Les histoires drôles, un commentaire astucieux, des termes à double sens, un mot d’esprit, un rêve loufoque, une légende surréaliste ou un banal jeu de mots, ils connaissaient, s’y connaissaient et s’y reconnaissaient. Cette époque est-elle finie? Victor Malka se pose la question. À l’en croire, même chez les juifs, rire n’est plus à l’ordre du jour. D’autre part, bien des histoires dites ” juives ” ne sont que prétexte au racisme, à l’entretien de la haine au profit ou au détriment des juifs. Qu’est-ce qui a changé?

Est-ce ” Auschwitz ” qui a modifié la donne et qui fait que ” Dieu ne rit plus “? L’arrivée des juifs d’Orient qui auraient moins le sens de l’humour que les juifs d’Europe de l’Est? La création d’un État juif, c’est-à-dire l’existence d’Israël? L’évolution des juifs religieux? Ces questions très sérieuses, il importe de les entendre, d’y réfléchir, exemples à l’appui : en effet, pour ne pas démentir la tradition, Victor Malka n’oublie pas d’y répondre avec… des histoires juives, bien sûr.

Victor Malka

Journaliste, il est l’auteur de nombreux ouvrages dont Journal d’un rabbin raté (Seuil, 2009).