Etienne Klein – Courts-circuits

Etienne Klein qui, très souvent, fait de la vulgarisation de la science possède deux casquettes : physicien et philosophe des sciences. Il écrit ce livre avec les deux casquettes mais surtout avec la deuxième. Un peu aussi comme philosophe tout court et comme historien des sciences.

Il pratique, dans ce livre, un exercice intéressant : choisir deux thèmes qui à priori n’ont rien à voir l’un avec l’autre et essaye de trouver un lien entre les deux., ce qu’il appelle un “Court-circuit”. Ce sont dix chapitres, dix couples de thèmes et dix court-circuits. Les chapitres peuvent être lus dans n’importe lequel ordre – et même sautés.

Parfois le lien peut être parfois “capilotracté” (tiré par les cheveux), terme qu’il utilise parfois. Ils ont tous un rapport avec les sciences.

Parfois il est question des coulisses des découvertes. Toute découverte scientifique a ses coulisses. Et c’est souvent plus intéressant que la découverte elle même.

En fait, c’est un exercice de pensée que nous pouvons tous le faire. Prenez deux thèmes quelconques que vous connaissez bien ou alors deux événements que vous avez vécu. Le lien entre Einstein et les Rolling Stones part de son adolescence quand il avait dans sa chambre deux posters d’Einstein avec un poster des Stones entre les deux. C’est maintenant qu’il a voulu chercher un lien, autre que ses goûts de jeunesse.

Citations

(p. 104)

Cet infini radicalement séparé du fini et lui-même déployable à l’infini semble n’être qu’un problème pour mathématiciens épris de haute voltige. Pour Cavaillès, j’ai l’intime conviction qu’il posait de surcroît deux questions fondamentales d’ordre moral : comment doit-on vivre quand l’infini se transmute en référence existentielle ? Et comment faire pour l’inscrire dans la finitude de sa propre vie ?

(p. 110)

Quant à la philosophie, elle ne doit pas selon lui (Jean Cavaillès) se couper des sciences, encore moins de la raison. Elle doit même ambitionner de devenir une “théorie de la raison” en s’inspirant davantage des mathématiques que de la littérature, de la même façon que Spinoza, dans son Éthique, procéda de façon rigoureuse, par définitions, axiomes, scolies et corollaires. Car philosopher, c’est d’abord et surtout comprendre, c’est-à-dire effectuer des démonstrations, construire des preuves, et non se répandre en confidences subjectives. La recherche de la vérité procède d’une espèce d’ascèse : elle exige de ne pas se laisser parasiter par les “passions tristes”, l’épanchement des états d’âme de l’intellect, l’exhibition complaisante des affres du cogito, encore moins par les parades de l’affect ou de l’ego. Elle implique en somme qu’on “s’oublie un peu”.

Ce que Jean Cavaillès fit – beaucoup.

Table de Matières

  1. Faire et penser. Le parti pris de Pascal
  2. Effroi, donc joie. Leçons de Michel Serres (1930-2019)
  3. Einstein, des Stones
  4. La raison rend-elle raison de la déraison ?
  5. L’infini à la face du fini. La morale d’acier de Jean Cavaillès (1903-1944)
  6. Sexe “faible”, sciences “dures”
  7. L’imagination au secours de la réalité
  8. Les mots et l’impesanteur
  9. Images, mirages et canulars
  10. Hasard et destin

Quatrième de couverture

“Par habitude, par nécessité ou en raison de la faiblesse de notre intelligence dépassée par le tsunami des savoirs et des informations, nos façons ordinaires de nourrir la vie des idées consistent à la découper en secteurs, à la compartimenter en disciplines, à l’atomiser en petites spécialités étiquetées bien comme il faut. Il s’agira ici de suivre le chemin inverse, de briser les enclos, s’encanailler, provoquer des courts-circuits au petit bonheur la chance et, si possible, des étincelles.

D’associer des éléments trop souvent séparés dans les analyses : physique et philosophie, pensée et action, réalité et imagination, hasard et destin, infini mathématique et engagement existentiel, intelligence analytique et courage physique, Einstein et Rolling Stones, image et mirage, langage et impesanteur, raison et déraison… Mettons le nez dehors, inventons une chimie nouvelle, bâtissons des molécules littéraires à partir d’atomes disciplinaires ! “