Serge Latouche – Jacques Ellul contre le totalitarisme technicien
Une bonne introduction à une partie de l’œuvre de Jacques Ellul.
Tout d’abord, mon domaine est scientifique. Je fais partie de ceux qui passent leur vie à produire des gadgets pour cette société technicienne.
Il y a plusieurs années j’ai découvert une citation de Jacques Ellul sur le succès des ordinateurs – et j’ai retenu son nom. C’était quelque chose comme ceci :
« Ce qui fait le succès des ordinateurs n’est pas leur utilité effective mais l’impression qu’il donne à n’importe qui d’être intelligent. »
Je ne suis pas sûre que l’auteur soit lui. Mais peut importe, je m’identifie avec cette pensée.
Jacques Ellul a écrit deux livres – « Le Bluff Technologique » et « Le Système Technicien » – où il expose ses idées sur ce sujet. Ce sont deux « gros pavés ».
J’ai donc pris ce petit bouquin pour avoir un résumé et une idée globale de sa pensée avant d’y plonger dans les deux « pavés ». Et je ne suis pas déçu puisque ce petit livre contient quelques bouts de textes essentiels, commentés, pour comprendre sa pensée. A la fin du livre, je me suis senti prêt.
Reprenant un bout de texte de la quatrième page de couverture (ci-dessus)…
Une remarque importante sur ce texte de présentation : en fait, après la lecture de ce petit livre et aussi d’autres, on voit que Jacques Ellul ne prône pas vraiment la décroissance (ou le retour à l’âge de la pierre) comme le veulent certains mouvements extrémistes. Sa critique est surtout contre la recherche excessive de croissance, la dépendance excessive de tout ce qui est technologique, … Il y a là une différence importante.
Jacques Ellul a beaucoup écrit sur d’autres domaines, surtout la théologie et la politique. Ses livres sont parfois difficiles à lire à cause de la longueur, même si le style reste très accessible. C’est une lecture que j’apprécie.
Quatrième de couverture
Jacques Ellul a, dès l’origine, été perçu par le mouvement de la décroissance comme l’un de ses principaux précurseurs. Sa critique de la démesure technicienne et son analyse du « totalitarisme technicien », comptent parmi les pièces maîtresses du projet, en l’alimentant aussi bien sur le plan théorique que sur celui des propositions concrètes. Jacques Ellul a dénoncé en maints endroits et avec la plus grande fermeté la démesure de la société occidentale, la croissance et le développement. Il a montré que la société économique de croissance ne réaliserait pas l’objectif de bonheur proclamé de la modernité, et que les évolutions de la technique étaient incompatibles avec les rythmes de l’homme et l’avenir du monde naturel. Cette relecture par Serge Latouche de la pensée de Jacques Ellul, rappelle aussi que la virulence de la critique sociale du maître bordelais s’accompagnait toutefois d’une conception minimale de l’action politique, définie comme dissidence individuelle. Lire Ellul à l’ère de l’anthropocène, c’est aussi rappeler, avec les objecteurs de croissance, que les temps sont désormais aux métamorphoses radicales.