Chantal Delsol – La fin de la Chrétienté

Et bien… C’est fini… ou pas… ou en cours… ou presque…

Chantal Delsol nous explique que le Chrétienté est en déclin, et pourquoi.

On a tous remarqué cela, je pense : les églises et les paroisses se vident. Si on pose la question à notre entourage, peu sont toujours croyants.

Trois sont les composantes de la religion : la croyance, une morale et les rites. Cette dernière entretient les deux premières.

Chantal Delsol situe le début du déclin à l’époque des Lumières et de la Révolution Française. Et la raison serait tout d’abord un rejet de la rigidité de la morale catholique. On aurait vécu presque deux siècles une sorte de  « Chrétienté de façade ». La morale, et surtout les interdits, qui était d’abord déterminée par l’église (divorce, avortement, …) est maintenant réglementé par l’État.

A cela s’ajoute les révélations, notamment de pédophilie, qui a sûrement existé depuis longtemps, mais parfois admise même dans la société civile – voir les révélations de ces derniers temps où l’élite intellectuelle semblait accueillir avec trop de bienveillance.

Pour Chantal Delsol, il s’agit d’une inversion de ce qui s’est passé à la fin du IVème siècle, lorsque la Chrétienté était devenue la religion officielle de nombreux pays avec un but d’expansion. On retourne à des sociétés païennes, polythéistes ou encore cosmothéistes. Même l’écologie pourrait s’assimiler à une forme de religion avec la nature et Gaia comme déités.

L’humanité a toujours besoin d’une forme de spiritualité. Et on voit, effectivement, les rayons des librairies bien remplis, avec même plus de livres que dans les rayons dédiés aux religions. Mais, comme le dit Chantal Delsol, beaucoup qui cherchent des religions – par exemple, asiatiques – cherchent surtout une forme de développement personnel plus qu’une nouvelle morale maintenant déléguée et aux nouveaux coutumes de la société.

A la fin du livre, Chantal Delsol donne des pistes sur ce que pourra devenir le catholicisme. A mon avis, elle passe trop rapidement dans une piste qui, certes, concerne peu, pour l’instant, les pays européens. Il s’agit de la « Théologie de la Libération« . Mouvement originaire de l’Amérique Latine et longtemps officiellement condamné par le Vatican (Jean Paul II et Benoît XVI), à cause de ses racines marxistes et assez proche de la mouvance d’extrême gauche. Mais il semble que le Pape François (argentin) soit plus tolérant envers ce courant. Un des prêtres exclus, un des principaux membres de cette mouvance s’appelle Leonardo Boff, brésilien, très proche du Parti des Travailleurs.

A mon avis personnel, si cette mouvance prend du poids dans l’église, on pourra s’acheminer vers une intervention plus forte de l’église dans la politique, et pas juste au niveau local des pays.

Citations

(p.65)

L’inversion normative que nous voyons à l’œuvre ici, à travers cette évolution tranquille et décisive qui franchit le XIXème et le XXème siècle, représente presque exactement le contraire de ce qui se passa au IVème siècle. Et pour ainsi dire, l’inversion de l’inversion. On rétablit le divorce que la Chrétienté avait aboli. […] Cette double inversion nous ramène au paganisme d’avant la Chrétienté. On peut même ajouter que l’inversion présente cherche à revenir à un passé plus ancien encore, quand par exemple elle prône la polygamie .

(Note de bas de page)
Campagne du Planning Familial adressé au jeune public, 2021 : « En amour il y a plein de possibilités ! Qu’on soit enfant ou adulte, il est possible de changer souvent d’amoureux.ses, ou d’avoir plusieurs amoureux.ses en même temps. Être en couple, relation composée de deux personnes est un modèle mais pas le seul. » Le Planning familial explique ensuite que si le modèle polyamoureux est peu répandu, c’est qu’il n’est pas montré dans les films et les livres. PUis conclut : « Si toutes les personnes sont au courant et qu’elles sont d’accord, ça peut rendre tout le monde très heureux ! Plus de personnes, plus d’amour, c’est aussi plus de bonheur, de câlins… L’important c’est la communication et l’honnêteté. »

(p. 90)

Croire ou faire croire que si le christianisme s’effondre, tout s’effondre avec lui : c’est une ânerie. Certains courant catholiques radicaux font usage de ce type d’argument, qui ne peux que les affaiblir encore. Cessons de nous croire seuls au monde à pouvoir donner un sens au monde. Le règne chrétien est déjà remplacé – ni par le néant ni par la tempête, mais par des formes historiques bien connues, plus primitives et plus rustiques. Derrière la chrétienté effondrée ne vien pas le règne du crime, le nihilisme, le matérialisme extrême : mais plutôt des morales stoïciennes, le paganisme, des spiritualités de type asiatique.

(p.103)

L’écologie aujourd’hui est une religion, une croyance. « Croyance » : non que le problème écologique actuel ne doive pas être considéré comme scientifiquement démontré; mais parce que ces certitudes scientifiques concernant le climat et l’écologie produisent des convictions et des certitudes irrationnelles, en réalité des croyances religieuses, nanties de toutes les manifestations de religion. Aujourd’hui l’écologie est devenue une liturgie : il est impossible d’omettre la question, d’une manière ou d’une autre, dans n’importe quel discours ou fragment de discours. C’est un catéchisme : on l’apprend aux enfants dès la Maternelle et de façon répétitive, pour leur faire acquérir les bonnes habitudes de penser et d’agir.

(p. 108)

Les Occidentaux d’aujourd’hui qui rejoignent des spiritualités ou des religions orientales comme le bouddhisme, n’adoptent pas leurs morales mais seulement leur spiritualité (qu’ils identifient souvent au développement personnel). Leur morale vient de l’État, comme chez les anciens païens, dont les dieux exigeaient des rites et des sacrifices, mais dont seul l’État exigeait la justice.

Vidéo

Quatrième de couverture

Seize siècles de Chrétienté s’achèvent. Le temps présent connaît une inversion normative et philosophique qui nous engage dans une ère nouvelle.

La transition est brutale. Elle est difficile à accepter pour les défenseurs de l’âge qui s’efface.

De même que le vieillard tend à colorer le monde de sa propre décrépitude et à le voir décadent, de même il est des chrétiens qui, aujourd’hui, se plaisent à contempler le déclin du monde dans leur propre déclin.

Nous assistons en fait à une métamorphose. Le temps païen qui s’ouvre restaure les anciennes sagesses en même temps que les anciennes sauvageries. Le grand Pan est de retour.

L’ère chrétienne qui s’achève avait vécu sur le mode de la domination. Le christianisme doit inventer un autre mode d’existence. Celui du simple témoin. De l’agent secret de Dieu.