Vincent Berthet – L’erreur est humaine
Intéressant ? Oui et non.
Dans une première partie il explique les deux modes de prise de décision : les heuristiques et les choix rationnels. Les heuristiques étant, disons, des raisonnements simples et rapides pour des décisions d’urgence. Le contrepoint sont les choix rationnels fondés sur une logique plus rigoureuse, nécessitant un temps de réflexion plus long.
Ensuite il décrit les différentes formes des limitations cognitives dans nos décisions : les biais (je dirais plutôt les choix tendancieux). Par exemple, notre habitude de mal estimer les événements rares ou trop fréquents. On voit, en ce moment, en ce qui concerne les vaccins : c’est dangereux parce qu’il y a eu quelques cas de thrombose ou c’est inutile parce que sont efficacité n’est que de 90 %. Ceci est juste un exemple des nombreux autres biais.
Cette partie est un résumé du livre « Système 1 – Système 2 » de Daniel Kahnemann (« Thinking Fast and Slow » en anglais). C’est cette théorie qui lui a valu un Prix Nobel. Un bon complément serait le livre « Rationalité » de Steve Pinker.
Ensuite, il y a un chapitre entier d’application de ces biais à la finance, opérations boursières, etc… Domaine qui, vraisemblablement, fait partie du sien mais, comme il le dit dans les conclusions : « la finance moderne est devenue inaccessible pour le commun des mortels » (p. 200).
Enfin, il y a une partie que c’est celle que j’ai apprécié le moins : « La rationalité limitée dans un monde moderne ». En fait, il s’agit tout d’abord de montrer comment l’utilisation de modèles statistiques modernes permettent de s’affranchir de ces biais de raisonnement. En fait, tout cela relève de ce qu’on appelle « Inférence statistique », branche des Statistiques qui existe depuis très longtemps. Le pendant moderne, informatique, est l’Apprentissage Automatique (Machine Learning), une branche de l’Intelligence Artificielle qui, grosso modo, fait la même chose que l’Inférence Statistique, mais d’une autre façon. L’apprentissage automatique est un domaine qui fait beaucoup de progrès depuis les années 90.
Il y a une partie intéressante sur les « nudges » mais… trop longue : 18 pages, soit 10% de la longueur du livre. Ne méritait pas autant.
Il parle aussi de « Les Algorithmes ». On voit souvent apparaître cette expression, avec un aura, ce qui est le cas ici aussi. Un algorithme n’a rien de transcendantal, c’est juste une suite d’opérations bien définies permettant de réaliser un calcul. L’algorithme considéré comme le plus ancien est celui d’Euclide, permettant de trouver le plus grand diviseur commun à deux nombres. Algorithme que nous avons tous appris à exécuter en primaire avec un crayon et une feuille de papier.
Il y a des expressions, que l’on retrouve souvent avec un aura non mérité : algorithmes, IA, big data, … et dont la signification et implications ne sont pas tout à fait celles sous entendues.
Pour résumer mon avis sur ce livre, la première partie expliquant les modes de prise de décision est bien résumée. Une introduction avant de s’attaquer aux 600 pages du livre de Kahnemann. C’est la partie essentielle du livre. La partie suivante, concernant la finance, bien pour ceux qui s’intéressent. Le reste, aurait pu être condensé et sans se lancer dans la mythologie des algorithmes ou du big data (par exemple).
Par contre, la partie finale (Conclusion) est très intéressante.
Citations
(p. 92)
Les experts sont largement victimes du biais de rétrospection. Il y a une différence fondamentale entre prédire quelque chose et rendre compte de quelque chose. Juste avant le référendum sur le Traité établissant une constitution pour l’Europe en mais 2005, les analystes étaient bien en peine de prédire l’issue du vote. Une fois le résultat connu, beaucoup d’entre eux étaient sur les plateaux télévisés pour expliquer que la victoire du « non » était évidente. Car l’esprit humain, avec sa facilité à produire des narratives, est toujours en mesure d’expliquer a posteriori ce qui s’est passé.
(p. 199)
Prenons le comportement de vote. D’un côté, la très large majorité des électeurs votent en ayant une information imparfaite sur les questions politiques, économiques, sociales, internationales, etc. Comme le coût de s’informer sur ces sujets est démesuré par rapport au bénéfice qu’il peut en tirer (un vote individuel ne pesant quasiment pas sur le résultat final), l’électeur n’est pas incité à s’informer : il est « rationnellement mal informé ». D’un autre côté, la plupart des électeurs votent de façon passionnelle plutôt que raisonnée. Voter de façon passionnelle, ou irrationnelle, consiste à fonder son choix sur des considérations idéologiques plutôt que sur une analyse objective de la situation. Dans « The Myth of the Rational Voter » (2007), l’économiste Bryan Caplan défend l’idée que l’électeur n’est pas incité à voter de façon rationnelle non plus. Comme son propre vote pèse peu, il n’y a aucun intérêt à voter de façon raisonnée plutôt que passionnelle. Selon Caplan, l’électeur est ainsi « rationnellement irrationnel ». Cet exemple montre qu’un comportement irrationnel n’est pas nécessairement une propriété intrinsèque de l’individu mais une réponse rationnelle à un environnement donné.
Quatrième de couverture
Cela est contre-intuitif, mais souvent nous ne pensons et n’agissons pas de façon rationnelle. Par exemple, après les attaques du World Trade Center, beaucoup d’entre nous ont eu peur de prendre l’avion et ont privilégié les déplacements en voiture lorsqu’ils étaient possibles. Pourtant la probabilité de mourir en avion est très inférieure à celle de mourir en voiture.
Pourquoi avons-nous tendance à accorder plus de poids aux informations qui confirment nos croyances qu’à celles qui les infirment ? Pourquoi les narrations construites par notre cerveau peuvent être parfaitement cohérentes et néanmoins totalement erronées ? Bref, pourquoi sommes-nous biaisés ? Comprendre et savoir remédier aux biais cognitifs est fondamental car leurs conséquences tant au niveau individuel qu’au niveau collectif sont loin d’être anodines.
Maniement des probabilités, compréhension du hasard, prise de décision : dans chacun de ces domaines, l’influence des biais cognitifs est majeure. En s’appuyant sur de nombreux exemples de notre quotidien et dans un style très vivant, Vincent Berthet met en lumière notre rationalité limitée. Et montre comment certains acteurs en tirent parfois profit.
Une plongée au coeur de notre irrationalité.