Philippe Josserand – L’histoire, l’ordre et le chaos
Ce livre résulte d’une dissertation de soutenance de HDR (Habilitation à Diriger des Recherches), élargie à une Anthropologie de soi.
Un premier mot sur ce que c’est une HDR. Il y a, dans la carrière professionnel d’un enseignant/chercheur, deux étapes importantes à franchir.
La première est la thèse de doctorat, d’une durée normalement de 3 ans, avec une soutenance à la fin. Cette soutenance autorise le jeune docteur à postuler à un poste de Maître Assistant, ou équivalent, dans un établissement d’enseignement supérieur, où il pourra enseigner et codiriger des thèses.
La deuxième étape, quelques années après la thèse de doctorat est la HDR, anciennement une Thèse d’État. Cette thèse a deux volets, un scientifique, comme la thèse de doctorat et un côté « parcours ». Parcours dans le sens où le candidat doit présenter ce qu’il a fait depuis sa thèse de doctorat : publications, enseignements et codirections de thèse. Avec cette deuxième thèse le candidat peut postuler à un poste de professeur des universités, ou équivalent, ou il pourra être le titulaire d’une chaire et être le directeur officiel des thèses. Le passage n’est pas automatique.
La lecture de ce livre peut donner l’impression que l’auteur est narcissique, par la répétition des « je fais ceci », « j’ai fait ce choix », « j’ai travaillé avec Untel »… et c’est le cas, mais ça s’explique de deux façons.
Tout d’abord, lors d’une soutenance HDR, le candidat doit présenter son parcours, valoriser ce qu’il a fait. Donc, le « je » est obligatoire, comme dans une candidature à un poste à pourvoir. La deuxième raison est dans le titre du livre : « une anthropologie de soi ». Sous ce deuxième aspect, il prend de la distance et se voit de loin. Pour ceux qui ne connaissent pas le métier d’enseignant/chercheur en histoire, on apprend beaucoup.
L’auteur est un passionné de ce qu’il fait, d’autant plus qu’il ne râle pas de toutes les difficultés du contexte universitaire (manque de moyens, …). Il est heureux du métier qu’il a choisi et c’est très bien de voir ça. C’est vrai que l’histoire médiévale est un sujet passionnant. Ce n’est pas pour rien que son livre a été écrit par Patrick Boucheron, aussi spécialiste d’histoire médiévale au Collège de France.
Alors, qui pourra s’intéresser à ce livre ?
Je connais le métier d’enseignant/chercheur dans mon domaine (math/info). Un regard dans cet autre domaine m’a semblé intéressent, puisque personnellement je suis passionné d’histoire mais plutôt de la deuxième guerre. La quantité de détails, personnes, contacts dans son domaine m’a semblé excessive et j’ai failli fait abandonner la lecture.
C’est intéressant aussi de signaler que le niveau de détail que j’ai trouvé dans ce livre est bien caractéristique des passionnés qui veulent livrer une description très précise de ce qu’ils font, et cela, quel que soit le domaine scientifique.
Les lecteurs qui ne sont pas dans l’enseignement pourront avoir une réaction comme la mienne : intéressant mais excessivement détaillé.
Par contre, les enseignants/chercheurs en Histoire, et domaines proches (Anthropologie, …), le trouveront ce livre passionnant et très intéressant.
Ceci pour dire que c’est un livre intéressant, mais pour un public assez étroit. De ma part, je lirai probablement son livre sur Jacques de Molay, le grand-maître des Templiers, dès que j’ai l’occasion.
Et pour finir… j’aurais inversé l’ordre des mots dans le titre – « L’histoire, le chaos et l’ordre » – , puisqu’il me semble que le but de l’historien est justement de remettre de l’ordre dans le chaos des faits de façon à pouvoir les expliquer.
Quatrième de couverture
L’ego-histoire, en un peu plus de trente ans, a acquis un nom et collecté de beaux succès. Cet exercice qui fait dire à l’historien d’où il parle, en soulignant la façon dont il se situe dans l’acte de produire l’histoire, s’est même constitué en un genre.
D’un mémoire d’habilitation à diriger des recherches, qu’il a repris et prolongé en l’ouvrant aux interventions de deux autres médiévistes, Julien Théry et Patrick Boucheron, et d’un artiste, Eric Fonteneau, maître du dessin, Philippe Josserand a fait un livre, interrogeant son parcours d’homme et d’historien. La discipline qu’il a élue au sortir de l’enfance revêt pour lui une dimension existentielle. Elle l’a tenu face à la béance, lui permettant d’apprivoiser le chaos du monde et celui de l’être pour y reconnaître, en écho à Alberto Manguel, un ordre « d’une beauté, d’une élégance indéfinissable, qui nous atterre et nous attire. »
Avec gaîté, pudeur et ironie, l’auteur, dans une écriture tenue et tendue, revient sur lui et découvre au lecteur « sa » fabrique de l’histoire. Jouer le jeu d’une « anthropologie de soi », toutefois, ne signifie pas se prendre au « j ». L’intime a sa part, irréductible par force, mais le récit s’attache d’abord à ce qui distingue et à ce qui unit, à ce qui fait que le « nous » parfois, est un « autre » – aujourd’hui comme hier – et que l' »autre », toujours, résonne en « nous », participant de nos appartenances comme de nos identités et servant de façon décisive à les forger.