Marc Bloch – Apologie pour l’histoire
Pour bien saisir l’intérêt de ce livre il faut comprendre le contexte de son écriture.
Ce livre a été écrit par Marc Bloch, juif, pendant la deuxième grande guerre.
Il a combattu lors de la guerre de 1914-18, puis lors de la Campagne de France en 1940. Avec l’arrivée de Pétain et la loi du Statut des Juifs proclamée en octobre 1940, il a été exclu de la fonction publique, son appartement à Paris a été réquisitionné par l’occupant et sa bibliothèque a été envoyée en Allemagne. Il a réussi à être rétabli dans la fonction publique en 1941 et muté à Montpellier. Le doyen de la faculté de lettres de Montpellier a tout fait pour compliquer la vie de Marc Bloch. Entré dans la Résistance, il a été arrêté par la Gestapo en mars 1944, torturé par Klaus Barbie et fusillé en juin de la même année. Malgré ces difficultés, et sans accès à sa bibliothèque, il a écrit deux livres qui ont été publiés à titre posthume : celui-ci et « Étrange défaite ».
N’étant pas historien et si j’ai bien compris, ce livre a bouleversé la historiographie, méthode de travail des historiens. Avant lui, la référence était un livre écrit par Langlois et Seignobos : « Introduction aux études historiques ». Marc Bloch a été élève de Seignobos, mais il le critique sur deux aspects : ce qui les historiens ont appelé le « culte des faits » et l’idée que seul le passé doit intéresser l’historien et l’étendue du travail de l’historien.
Marc Bloch décrit dans ce livre les trois points importants dans une démarche de historiographie. D’abord, bien comprendre le contexte : les faits peuvent ne pas avoir la même importance dans des contextes différents. Ensuite, bien situer les faits dans leur ordre chronologique et ne pas les « écraser » comme si tout s’était passé au même moment. Et, finalement, comprendre le tout sans toutefois porter jugement.
Ce paragraphe résume rapidement les idées du livre. C’était une révolution et c’est pour ça qu’il est décrit avec beaucoup d’exemples et reste toujours une référence pour les historiens. J’imagine qu’il y a des livres textes récents qui présentent ça d’une façon bien didactique.
Il y a une vidéo d’une conférence de Johann Chapoutot à PSL (Université Sciences et Lettres), où il explique ces trois points très clairement et simplement avec le nazisme comme exemple : Johann Chapoutot : Peut-on faire l’histoire du nazisme ? – Conférence PSL Par ailleurs, il utilise ce livre comme référence.
La lecture de ce livre est aisée même si parfois fatigante, mais c’est normal pour un livre qui est, en quelque sorte, novateur pour l’époque.
Citations
(p.27 – Préface de Jacques Le Goff – citant Marc Bloch)
« L’ignorance du passé ne se borne pas à nuire à la connaissance du présent, elle compromet, dans le présent, l’action. »
Quatrième de couverture
« Papa, explique-moi donc à quoi sert l’histoire. » Ainsi un jeune garçon qui me touche de près interrogeait, il y a peu d’années, un père historien. Du livre qu’on va lire, j’aimerais dire qu’il est ma réponse.[…]
Du moins cette question d’un enfant dont, sur le moment, je n’ai peut-être pas trop bien réussi à satisfaire la soif de savoir, volontiers je la retiendrai ici comme épigraphe. […] Le problème qu’elle pose, avec l’embarrassante droiture de cet âge implacable, n’est rien de moins que celui de la légitimité de l’histoire.
Historien spécialiste du Moyen Âge, cofondateur, en 1929, de la revue Annales, Marc Bloch fut une des victimes de Klaus Barbie. Fusillé le 16 juin 1944 à Saint-Didier-de-Formans (Ain), près de Lyon, il laissait inachevé un ouvrage de méthodologie, Apologie pour l’histoire ou Métier d’historien – sous-titré dans son plan le plus ancien ou Comment et pourquoi travaille un historien -, qui fut publié en 1949 par Lucien Febvre.