Zalmen Gradowski – Au coeur de l’enfer
Ce livre fait partie des témoignages des internés dans les camps d’extermination ou concentration.
Zalmen Gradowski était un juif polonais. Il a été déporté à Auschwitz avec sa famille (six autres personnes), en octobre 42. Ils ont été tous gazés dès leur arrivée, sauf lui. Zalmen Gradowski a fait partie du Sonderkommando, un groupe de prisonniers pour faire le « sale boulot » dans les chambres à gaz et fours crématoires : retirer les corps des chambres à gaz, enlever les dents en or, couper et récupérer les cheveux des morts et les mettre au four pour les incinérer.
Zalmen Gradowski a été en tête d’une révolte du Sonderkommando en octobre 1944 et a été fusillé.
Plusieurs manuscrits ont été écrits et enterrés sur le site de Auschwitz-Birkenau, mais ils n’ont pas tous été retrouvés. Deux manuscrits de Zalmen Gradowski ont été retrouvés. Celui-ci est le deuxième. Le premier raconte la persécution des juifs dans la région en Pologne, son arrestation, avec sa famille, le transport jusqu’à Auschwitz et les premiers temps dans le camps.
Ce texte n’est pas une description technique précise du processus d’extermination mais plutôt un récit littéraire, une description d’un point de vue humaniste de ce qui s’est passé. Gradowski était un fin observateur, avec une empathie certaine, il se met à la place de ceux qui vont mourir et rapporte, tant que possible comment il imagine leurs dernières pensées et moments de vie.
Deux autres livres assez connus sur le Sonderkommando, écrit par des survivants sont « Trois ans dans une chambre à gaz » de Filip Muller et « Sonderkommando » de Shlomo Venezia.
Citations
(p.122 – 124)
Un fil d’or se filait, il a été rompu en plein milieu.[…] Deux cœurs filaient entre eux un fil d’or, le pirate est venu et l’a cruellement rompu en plein milieu..
(p. 138)
Bientôt nous seront témoins, de nos propres yeux juifs nous devrons assister à notre propre destruction, voir cinq mille êtres, cinq mille Juifs, cinq mille vies en fleurs, vibrantes, palpitantes, au sang ardent, femmes et enfants, hommes jeunes et vieux, humains sans distinction de sexe ni d’âge, passer sous la schlague de criminels exercés, avec l’appoint de fusils, grenades et mitrailleuses, avec la complicité de leur sempiternel acolyte à quatre pattes, sauvage et enragé, le chien – et poussés, chassés, frappés à mort, de sorte qu’étourdis, abasourdis, ils courent à l’aveuglette dans les bras de la mort.
Et nous, leurs propres frères, devrons aussi prêter main forte, aider à les descendre des camions, à les mener au bunker, aider à les déshabiller, nus comme à leur naissance. Et une fois qu’ils seront fin prêts, aider à les escorter dans le bunker – dans la tombe – de la mort.
(p. 186)
Au milieu de la masse des hommes gît étendue à terre cette femme en sa quête et son désir désespéré, son corps s’est abattu, le visage tendu vers la masse, et jusqu’à son dernier souffle elle a continué à chercher son mari dans la foule.
Et tout au fond là-bas, contre le mur du bunker, se tenait le mari, agité, sans répit. Son corps se haussait sur la pointe des pieds. Lui aussi cherchait sa femme nue, parmi la masse des hommes. Et quand enfin il l’a aperçue, que son cœur s’est mis à battre la chamade, ses bras se sont tendus vers elle, il a voulu se frayer un passage vers elle et s’est mis à crier son nom – le gaz s’est diffusé dans la salle, et il est resté figé ainsi, les bras tendus vers sa femme, la bouche béante et les yeux fixes, déments. Avec son nom sur les lèvres, son cœur s’est éteint, son âme a disparu.
Deux cœurs battaient là-bas à unisson, et, se cherchant et se désirant, ils ont trouvé la mort.
Quatrième de couverture
Zalmen Gradowski appartenait à un Sonderkommando, ces déportés, juifs pour la plupart, chargés d’assurer le fonctionnement des chambres à gaz et des crématoires d’Auschwitz-Birkenau. Témoins des opérations de gazage, les membres de ces « équipes spéciales » étaient régulièrement exécutés.
Seul Zalmen Gradowski raconte l’indicible. S’élève alors une voix qui s’adresse à l’humanité entière depuis le seuil de la mort, une voix qui, aux confins de l’horreur, refuse d’être réduite au silence. Rédigé en 1944 et enfoui dans le sol à quelques pas du crématoire III, ce manuscrit livre une réflexion d’une étonnante lucidité sur la destruction systématique de la vie et du monde juif. Ne pas lire Gradowski, c’est le priver de sépulture une seconde fois.