Laurent Joly – L’État contre les juifs

Ce livre avec l’autre du même auteur – Dénoncer les Juifs sous l’occupation – forment une série « France et les Français contre les Juifs ». Bien sûr, il ne faut pas généraliser : tous les français n’étaient pas contre les juifs.

« Dénoncer les Juifs sous l’occupation » décrit toute la mécanique en rapport avec la délation : les structures administratives de la Police (française et allemande) recevant les délations mais surtout les raisons pour lesquelles des français ont dénoncé : antisémitisme, jalousie et autres bassesses. Et cela avec des cas et des chiffres à l’appui.

Celui-ci raconte comment ça s’est passé à un niveau plus haut : le gouvernement de Vichy, les échanges avec les Allemands, le fonctionnement de la Police et l’organisation des rafles, qui participait (les allemands ou les français ou les deux), …

Finalement, ce que l’on constate est que l’on trouve surtout des antisémites convaincus dans les échelons plus élevés, alors qu’au niveau exécutant (policiers, et commissaires de quartiers), on a pu trouver quelques humanistes.

Comme exemple emblématique de l’excès de zèle allant même au delà de ce qui était demandé par les allemands, l’inspecteur Hubert Lazard, se rendant compte que Cyrla Perec (veuve de guerre et mère de Georges Perec) ne dormait pas chez elle mais un peu plus loin chez son père, l’a fait arrêter, avec son père et sa sœur. Ils ont tous été déportés et assassinés à Auschwitz.

A la libération, quelques cadres ont été jugés et condamnés (Pétain, Laval), mais beaucoup ont échappé à la justice : René Bousquet (acquitté) ou Maurice Papon qui a encore pu avoir une belle carrière administrative. Louis Darquier de Pellepoix, Commissaire général aux questions juives, a été condamné à mort par contumace et s’est installé en Espagne et n’a pas été inquiété. Peu ont été jugés mais ce sont surtout les « antisémites de bureau » qui ont eu plus de chance.

Je pense que l’on pourrait presque dire que certains procès ont été jugés trop top, juste après la libération, alors que tout n’avait pas encore dévoilé sur le destin des Juifs et des actes du gouvernement de Vichy et des organismes administratifs français.

Enfin, ce livre démontre bien que les rumeurs comme quoi le gouvernement de Vichy a protégé les Juifs français (Ah, Zemmour…), ce n’est qu’affabulation. Il est vrai que le gouvernement de Vichy, et surtout René Bousquet, a au départ négocié cela timidement, la suite ne l’a pas confirmé. Et ça a été un argument très utilisé par la défense de ces fonctionnaires de Vichy (encore René Bousquet)

Aussi, je pense que ce livre et celui de Robert Paxton – Vichy et les Juifs – se complètent. Je n’ai pas encore lu celui de Paxton, mais ça ne va pas tarder.

Quatrième de couverture

Pourquoi, dès l’été 1940, le régime du maréchal Pétain a-t-il impulsé une politique antisémite ? Dans quelle mesure l’administration a-t-elle collaboré au génocide perpétré par les nazis ? A-t-on  » sacrifié  » les juifs étrangers pour  » sauver  » les français ? Quelle a été la responsabilité de la France dans la rafle du Vel’ d’Hiv ?

Sur Vichy et la Shoah, on pensait tout savoir. Ce livre démontre qu’il reste encore beaucoup à découvrir. A travers une série de questions clés, Laurent Joly renouvelle profondément l’histoire de la persécution des juifs sous l’Occupation et balaie bien des idées reçues.

S’appuyant sur de nombreuses sources inédites, restituant les marges de manoeuvre des fonctionnaires français – du dirigeant étatique jusqu’au simple gardien de la paix – ainsi que les effets concrets de leurs décisions, Laurent Joly écrit une histoire puissante et incarnée, au plus près des exécuteurs, des victimes et des témoins.