Albert Londres – Chez les fous
Albert Londres a été un journaliste du début du XXème siècle. Il a publié plusieurs enquêtes d’investigation, dont celle-ci, dans les années 20. Ce n’est qu’en 1925 qu’il a été publié, sous la forme de 12 articles, dans le Petit Parisien.
Ce sont des témoignages de ses visites à certains « asiles de fous ». Il rapporte la violence et les traitements inhumains infligés aux internés. Les traitements étaient surtout basés sur la punition ou la restriction physique punitive (camisole, cachot, …). A un seul asile il a trouvé un traitement humain où les fous étaient traités comme des personnes presque normales.
Mais ce livre, à mon avis, a mal vieilli. Ce livre a probablement beaucoup apporté à l’époque. Moins aujourd’hui.
Mais c’était un début d’un changement de la discipline psychiatrique. Je pense que de nos jours on ne trouve plus ce genre d’établissement, du moins, pas en France.
Il y a, peut-être un intérêt historique, pour comparer ce qui était avec ce qui est maintenant, mais il apporte très peu en connaissances. Ce sont des récits de ce qui se passait dans ces asiles, des témoignages.
Il y a, certes, une petite poignée de pages de conclusions à la fin, mais j’aurais du mal à classer ce livre dans la catégorie « essais ». J’aurais aime avoir l’avis sur ce livre par un psychiatre de l’époque. C’est la limite de tout sujet pointu traité par un journaliste d’investigation.
Citations
(p.74)
Et cette jeune femme au masque grimaçant qui me demande :
– Êtes vous le général inspecteur des cinémas ?
– …
– Eh bien ! mon général, je suis la reine des cinémas. Il me semblait bien vous reconnaître, car je possède la radiographie ! Et je vous ai vu à travers les murs. Or tous ces ennemis qui m’accramponnent, c’est la faute du cinéma et du nitrate d’argent, qui font tous deux contact avec l’électricité. Cependant l’essentiel est de se tenir l’estomac propre, et, pour cela, j’emploie le spiritisme. Mas, monsieur le général, vous ne voyez pas les deux pirates qui en ce moment me serrent le cou, parce que je suis la reine de l’écran ? « Le Crâne d’Or », et « Le Tombeau de l’hindou », c’est moi qui ai tourné ces chefs-d’œuvre.
Elle m’entraîne dans un coin =et me dit à voix basse :
– Aussi, cette nuit, on m’a fait le cercle de feu. J’ai flambé toute ! J’ai souffert, ça sera un joli film !
Sa confidence terminée, elle reprend tout haut :
– Heureusement que j’ai les rayons X pour moi ! Seulement, cet appareil tourneur cinématographique que j’ai dans le corps, il faut qu’on me le sorte. Pourquoi suis-je entre quatre verres ? Pourquoi ai-je la radiographie par-dessus et sur les côtés ? C’est que j’ai tellement gagné d’argent au cinéma qu’on veut me tuer pour avoir mon coffre. Au secours, les haut-parleurs ! Au secours !
(p.82, 86-87)
Dans la maison du docteur Dide, la folie est sacrée. C’est un talent que l’on respecte, une chute d’eau que l’on ne cherche pas à canaliser pour faire de la houille blanche. Les neiges ont fondu, qu’elles s’écoulent suivant les fantaisies de la nature. Ce fou a pour habitude, chaque matin, de rédiger une affiche et de la coller à la porte 3 du couloir de la deuxième. Pourquoi la lacérer ?
…
Ce n’est pas en exaspérant ces malheureux qu’on les ramène à la raison.
Pour soigner les fous, il faut d’abord prendre la peine de comprendre leur folie.
Il faut aussi profiter de leurs jours de lucidité pour les réadapter à la vie ordinaire.
Traiter continuellement comme un fou l’homme qui ne perd que de temps à l’autre le contrôle de son jugement, c’est l’enfoncer dans son infortune.
Nous marchions dans l’allée principale de l’établissement. A vingt pas de nous, un pensionnaire s’arrêta. Il prit l’attitude qui immortalise Gambetta dans le jardin du Louvre puis entama une éloquente harangue.
Dedi me dit :
– Cet homme est en proie à un orage. L’orage ne durera pas, mais il faut qu’il passe. Si je voyais un infirmier brutaliser ce malade sous prétexte de le faire taire, c’est l’infirmier que je mettrais au cabanon.
En effet, l’orage passe. L’orateur s’approcha de Dide.
– Bonjour, monsieur le directeur, vous venez encore de me surprendre en effervescence.
– Nous avons tous la nôtre, mon ami.
Quatrième de couverture
En 1925, Albert Londres met sa notoriété au service d’une cause méconnue, l’enfermement tel qu’il est réservé aux malades mentaux.
Après avoir dénoncé les bagnes de Guyane et Biribi, c’est à une autre forme d’enfermement qu’Albert Londres entend s’attaquer : les asiles d’aliénés.
Devant la réticence des autorités de Santé publique, il tentera même de forcer les portes d’un hôpital psychiatrique, en se faisant passer par un fou.
Les témoignages des malades fourniront la matière de douze articles polémiques que la rédaction du Petit Parisien hésitera à publier jusqu’en mais 1925.
Devant l’indignation des psychiatres et des aliénistes, Albert Londres, dans le livre qui fera suite à la publication du reportage, sera contraint d’adoucir certains passages et de maquiller quelques noms propres.