Graciliano Ramos – Vies arides

Dans Vies arides, aujourd’hui réédité dans une nouvelle traduction, Graciliano Ramos dépeint la situation sociale d’un Brésil nordestin où convergent la dureté des rapports sociaux, la rudesse de ses habitants et la déshérence d’une région oubliée du reste du pays, mais c’est bien sûr la destinée de tous les hommes qui luttent pour survivre. Treize chapitres conçus comme des nouvelles, écrits dans un style réaliste et dépouillé, nous donnent tour à tour le point de vue, quasi objectif, de chacun des personnages.

Dans le sertao semi désertique, poussés par la sécheresse et la famine, le vacher Fabiano, sa femme sinha Vitoria, leurs deux enfants et la chienne Baleine s’installent dans une ferme abandonnée. Ils se mettent au service d’un mettre qui les exploite et survivent dans le dénuement extrême. Dans ce monde seulement régi par les rapports de force et l’hostilité de la nature, la parole est rare et maladroite, la communication presque impossible. Finalement une nouvelle sécheresse ravage leur troupeau, les jetant dans une nouvelle errance. Seul espoir ténu : une vie meilleure au Sud, dans une grande ville.
Par son style épuré et sa structure cyclique, l’ouvrage, publié en 1938, a bouleversé les canons de la littérature brésilienne. Prix de la Fondation William Faulkner en 1962, il est indubitablement l’une des œuvres majeures de la littérature du XXème siècle.

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Ce livre fait partie des classiques de la littérature brésilienne. Je l’ai lu il y a très très longtemps, en portugais, ma langue maternelle.

Ce livre décrit la situation des petits employés (si on peut le dire comme ça) des petites fermes dans la région Nord Est du Brésil, dans les années 30, et la souffrance de la sécheresse qui fait souffrir la population, problème qui commence à être réglé, s’il n’y avait pas la corruption toujours présente dans le pays.

La description des personnages montrent le côté inhumain de leur situation : les parents, Fabiano et Sinha Vitoria (sont ils mariés ou juste en couple ?), les enfants qui n’ont pas de nom, la chienne Baleinne, qui elle a un nom. Un chapitre est dédié à la chienne et ses pensées, quand Fabiano la tue à cause de sa maladie.

La famille, comme tous les petits employés (si on peut utiliser ce nom), vit des cycles liés à la sécheresse. En temps de sécheresse, ils émigrent, à pied bien sûr, à la recherche d’un nouvel endroit, une maison ou fermette abandonnée au milieu de la caatinga. Ils portent juste quelques affaires dans leurs balluchons – soif et faim. Dans le premier voyage ils décident de tuer le perroquet, qui ne parlait pas, pour satisfaire la faim.

Ils retrouvent une petite ferme abandonnée… Des supposés propriétaires arrivent et les obligent à travailler pour un salaire qui suffit presque assez pour survivre. Fabiano s’occupe de quelques maigres vaches et chèvres. Il s’endette auprès de ses patrons qui font exprès de ne pas assez payer pour l’asservir.

Fabiano n’a jamais mis les pieds dans une école, ne sait pas compter et possède un vocabulaire très limité. Sinha Vitoria n’a qu’un rêve : avoir un lit en cuir au lieu du lit improvisé avec des rondins de bois.

A Noël ils vont à une fête foraine. Les enfants observent les objets en vente dans les baraques et se demandent si ces objets ont un nom et s’ils sont fabriqués par des humains.

Au bout d’un an, une nouvelle sécheresse et un nouveau départ… continuer leur vie de misère ailleurs.

Malgré leur ignorance, ils montrent une grande humanité, y compris la chienne, peut-être même plus que les enfants.

A la fin du livre il y a un glossaire… pas courant pour ce style littéraire. En fait, il n’est quasiment possible de traduire ce type de livre, à cause d’un « portugais rustique » qui n’est parlé que dans cette région du Brésil, mais aussi par la culture et mode de vie de la région. C’est commun à plusieurs romans et chansons de certaines régions du Brésil. Ça existe aussi en France et il ne faut pas aller très loin : certaines BDs de Astérix, par exemple.

Citations

(p. 28-29)

Il fit claquer ses doigts. La chienne Baleine accourut lécher ses mains grosses et velues. Fabiano reçut la caresse, s’attendrit :

– Tu est une bête, Baleine.

Il vivait loin des hommes, il ne s’entendait qu’avec les animaux. Ses pieds durs brisaient les épines et ne ressentaient pas la brûlure du sol. À cheval, il se collait à sa monture, ne faisant qu’un avec elle. Il parlait une langue chantée, monosyllabique et gutturale, que son compagnon comprenait. À pied, il était maladroit. Il penchait d’un côté et de l’autre, les jambes arquées, laid et tordu. Il s’adressait parfois aux gens dans la même langue qu’il adoptait avec les bêtes – exclamations, onomatopées. En réalité il parlait peu. Il admirait les mots longs et compliquées que les gens de la ville employaient, il essayait d’en reproduire certains, sans succès, mais il savait qu’ils étaient inutiles et peut-être dangereux.

(p.48)

Ce qu’il voulait… Han ! Il l’avait oublié. Il se souvenait maintenant de sa longue marche à travers le sertão, terrassé par la faim. Les jambes des enfants étaient aussi minces que des fuseaux, sinha Vitória trébuchait sous le poids du coffre en fer-blanc. Au bord du fleuve, ils avaient mangé le perroquet, qui ne savait pas parler. Par nécessité.

Quatrième de couverture

Dans Vies arides, aujourd’hui réédité dans une nouvelle traduction, Graciliano Ramos dépeint la situation sociale d’un Brésil nordestin où convergent la dureté des rapports sociaux, la rudesse de ses habitants et la déshérence d’une région oubliée du reste du pays, mais c’est bien sûr la destinée de tous les hommes qui luttent pour survivre. Treize chapitres conçus comme des nouvelles, écrits dans un style réaliste et dépouillé, nous donnent tour à tour le point de vue, quasi objectif, de chacun des personnages.

Dans le sertão semi désertique, poussés par la sécheresse et la famine, le vacher Fabiano, sa femme sinha Vitória, leurs deux enfants et la chienne Baleine s’installent dans une ferme abandonnée. Ils se mettent au service d’un mettre qui les exploite et survivent dans le dénuement extrême. Dans ce monde seulement régi par les rapports de force et l’hostilité de la nature, la parole est rare et maladroite, la communication presque impossible. Finalement une nouvelle sécheresse ravage leur troupeau, les jetant dans une nouvelle errance. Seul espoir ténu : une vie meilleure au Sud, dans une grande ville.

Par son style épuré et sa structure cyclique, l’ouvrage, publié en 1938, a bouleversé les canons de la littérature brésilienne. Prix de la Fondation William Faulkner en 1962, il est indubitablement l’une des œuvres majeures de la littérature du XXème siècle.

Graciliano Ramos (1892-1953). À quatorze ans, il quitte le collège pour aider son père commerçant. En 1914, il part à Rio où il est réviseur de presse. Sa famille le rappelle en 1915. II se marie et partage son temps entre le commerce et les lettres. Il est élu maire en 1928, puis, en 1933, il est nommé directeur de l’Instruction publique d’Alagoas. En 1936, accusé de communisme, il est arrêté et emprisonné. Libéré en 1937, il se fixe à Rio et vit de sa plume. En 1952, invité à Moscou pour le 1er mai, il visite une partie de l’Europe, mais, atteint d’un cancer aux poumons, il décède quelques mois après l’hommage rendu pour ses soixante ans.