Sonia Mabrouk – Douce France, où est (passé) ton bon sens ?

Ah le bon sens… on a beaucoup à dire. Mais d’abord la définition de chez Larousse :

Capacité de bien juger, sans passion, d’une situation ou de ce qu’il est raisonnable de faire, compte tenu des circonstances.

ou alors :

Capacité de discerner clairement ce qui est évident, sans en être distrait par d’autres considérations.

ou alors…

Le bon sens est l’effort d’un esprit qui s’adapte et se réadapte sans cesse, changeant d’idée quand il change d’objet. C’est une mobilité de l’intelligence qui se règle exactement sur la mobilité des choses. C’est la continuité mouvante de notre attention à la vie.

Ces trois définitions, que l’on trouve sur Internet, sont intéressantes et se complètent.

Le bon sens ressemble fortement au « Système 1 » défini par Kahneman, où l’on prend des décisions basées sur des heuristiques simples, de l’expérience vécue ou encore de la sagesse populaire, lorsque cela est possible et que le problème à analyser n’est pas trop complexe. Comme précisé ci-dessus, il ne s’agit pas de négliger l’ensemble des contraintes du problème. Lorsque le problème devient complexe, alors on passe à un deuxième niveau d’analyse dans la prise de décision.

La thèse de l’autrice, déjà dans le titre de l’ouvrage, est que l’on a perdu, en France, cette capacité de trouver des solutions simples à des problèmes courants.

L’ouvrage présente une série d’exemples de, selon elle, manque de bon sens avec les propositions qui seraient les siennes. L’ouvrage couvre une large gamme de situations : enseignement, laïcité, politique, journalisme, islamisme, diplomatie, … Sans rentrer dans le détail, je suis assez d’accord avec la plupart des sujets traités.

Quand je dis « selon elle » ou « les siennes », je ne porte pas de jugement, puisque le plus important est qu’elle identifie des situations méritant une proposition de « bon sens » et en propose. On sait que les interprétations dans le domaine des sciences humaines sont le plus souvent subjectives même avec des démarches très poussées, surtout celles dites de « bon sens ».

Ce qui a manqué dans ce livre, à mon avis, est une réflexion sur las raisons de ce manque de bon sens. J’en voit plusieurs : la recherche de l’immédiateté, une paresse intellectuelle. De la part des politiciens, il y a parfois un intention de cacher les détails et conséquences de leurs propositions, voir même une analyse simpliste.

Je signale le manque de références. L’autrice, parfois, lance des chiffres semblant être douteux, sans préciser d’où elle les sort.

La lecture de ce livre reste intéressante puisqu’elle pose beaucoup d’exemples avec des propositions souvent assez bonnes.

Pour aller plus loin, il y a le livre de Marc Crapez : « Défense du bon sens ou La controverse du sens commun« .

Citations

(p. 40)

De nos jours, ils sont nombreux, à l’extrême droite comme à l’extrême gauche, à utiliser l’argument, la formule miracle pour anesthésier tout débat et imposer leurs vues. Comment, en effet, s’opposer à quelqu’un qui vous assène : « M’enfin, voyons, c’est du bon sens ! » ? Avec une telle phrase le débat semble clos avant même d’avoir été ouvert.

Si, pour les oppositions, le bon sens est devenu un argument « tarte à la crème » ressorti chaque fois que l’on est à court d’idées pour mieux le balancer à la figure de son adversaire, qu’en est-il au sommet de l’État ? Pourquoi le sens est-il énoncé sans jamais – ou rarement – être appliqué ?

Quatrième de couverture

Réveillons-nous, il y a urgence ! Urgence de partir à la (re)conquête du bon sens. Dans différents domaines, la voie de la sagesse populaire a été délaissée et tout se passe comme si nous avions collectivement égaré notre faculté de discernement. Il ne s’agit pas ici de faire l’éloge de l’immobilisme ou de tomber dans la nostalgie mais d’avancer sur le chemin du bon sens, qui passe par le savoir de nos aînés et l’observation du monde tel qu’il et.

Notre monde confond simplicité et simplisme. Et le bon sens, synonyme de ringardise, a mauvaise réputation. Ou pire encore, comme l’affirment certains esprits « éclairés » et certaines élites auto-proclamées, réfléchir avec bon sens reviendrait à verser dans le populisme. Frédéric Dard disait : « Le bon sens, c’est ce qui permet d’être écouté quand vous n’êtes pas intelligent. » Avec une ironie cinglant, l’auteur de San-Antonio a résumé la prétendue opposition entre intelligence et bon sens, une dichotomie qui nous aveugle. Voilà pourquoi il est urgent d’ôter nos oeillères.

C’est la raison d’être de ce livre qui, exemples à l’appui, invite à quitter la doxa dominante pour adopter à nouveau l’une de nos valeurs cardinales.