Svetlana Alexievitch – La guerre n’a pas un visage de femme
Ce livre prend de contre-pied les récits courants de l’histoire. Le fil conducteur n’est pas les événements, les batailles ou les personnages de la deuxième guerre, mais le vécu des femmes russes, certaines combattantes et d’autres dites ordinaires.
Pour l’écrire, l’auteur a recueilli des centaines, voire des milliers, de témoignages des femmes qui avaient quelque chose à dire. On doit reconnaître le côté titanesque.
L’ouvrage est organisé, donc, non pas par événement de la guerre, mais, plutôt, par le « thème humain » vécu par ces femmes. Donc, le témoignage ou alors le récit du déroulement de l’entretien.
Ce livre a le grand mérite de mettre en valeur le rôle et la souffrance des femmes pendant la guerre, plutôt que parler des bons et des méchants. À ce sujet, regardez les extraits d’entretien avec les censeurs dans les citations.
Ainsi, la préface a été indispensable. Il raconte comment ce livre a été construit.
Par contre, pour un essai, il manque un chapitre de synthèse ou de conclusion pour ne pas rester juste une suite de témoignages.
Le point négatif de ce livre est la longueur : 400 pages dans mon édition. Les témoignages se suivent et parfois se ressemblent sans que l’on puisse percevoir un fil conducteur. Certaines ne font qu’une page. J’avoue avoir sauté quelques-unes qui ne m’ont pas semblé indispensables.
Citations
(p. 22)
Extrait d’entretien avec des censeurs
- À quoi bon tous ces détails physiologiques ? Vous abaissez la femme à force de naturalisme primaire. La femme héroïne. Vous la découronnez. Vous en faites une femme ordinaire. Une femelle. Or chez nous, ce sont des saintes !
- Notre héroïsme est stérile, il ne veut tenir compte ni de la physiologie, ni de la biologie. Il est impossible d’y croire. Ce n’est pas seulement l’esprit qui était mis à l’épreuve, mais aussi le corps. Son enveloppe matérielle.
- D’où vous viennent ces idées ? Elles nous sont étrangères. Elles ne sont pas soviétiques. Vous vous moquez des victimes qui gisent dans les fosses communes. Vous avec trop lu Remarque… Chez nous, le « remarquisme » ne passera pas. La femme soviétique n’est pas un animal.
(p. 26)
Extrait d’entretien avec des censeurs
- C’est un mensonge ! C’est une calomnie destinée à salir nos soldats qui ont libéré la moitié de l’Europe. Destinée à salir nos partisans. Notre peuple. Nous n’avons pas besoin de votre petite histoire, nous avons besoin de la grande Histoire. Celle de la Victoire. Vous n’aimez personne ! Vous n’aimez pas nos grandes idées. Les idées de Marx et de Lénine.
- C’est vrai, je n’aime pas les grandes idées, j’aime les petits et les humbles. Et plus encore, j’aime la vie…
Quatrième de couverture
La guerre n’a pas un visage de femme, sauf que les femmes ont été de toutes les guerres. Et Svetlana Alexievitch nous en donne une vision émouvante jusqu’à l’insoutenable. Vue par elle, vécue par elles, cette évocation de la Seconde Guerre mondiale bouleverse par la justesse du trait, et se charge du poids de toutes les batailles, de toutes les souffrances, de tous les sacrifices.
La vérité des êtres ordinaires surgit à chaque page avec une force insoupçonnée. Pour trouver dans nos cœurs un écho que seuls les écrivains essentiels savent faire résonner.
Des centaines de destins forment un chœur tragique que la souffrance au quotidien nourrit à chaque page de son indicible beauté. Le sacrifice devient alors source de vie, et l’on se dit que jamais personne ne nous a parlé de ça comme ça, et l’on a la sensation que ces jeunes filles souriantes en vareuse de soldat seront toujours là, avec nous, et l’on se demande comment l’on a pu si longtemps se passer d’elles.