Clément Rosset – La folie sans peine
Clément Rosset, Didier Raymond et Jean-Charles Fitoussi
Petit livre étonnant par le titre et par la forme. D’abord, « La folie sans peine » rappelle les titres des ouvrages de la méthode Assimil, « XXX sans peine », apprentissage d’une langue par la lecture et la répétition de phrases simples. Ce n’est pas une coïncidence.
On part du principe que ce qui permet d’identifier les maladies mentales est la façon de communiquer. Alors, on pose des questions et on observe les réponses. La folie est une question de langage, chaque déviance avec son dialecte particulier.
Remarque : on parle ici de « maladie », mais il n’est pas certain que tous les cas soient classés comme des maladies dans les répertoires officiels. Plutôt parler de déviances, désordre mental ou des traits de personnalité.
Le livre est organisé en 9 contextes (leçons – à la douane, dans le taxi, arrivée à l’hôtel, au restaurant, promenade, au Zoo, bateau-mouche, chez le médecin et le départ) et 9 maladies (hystérique, paranoïaque, obsessionnel, dépressif, maniaco-dépressif, phobique, mélancolique, érotomaniaque, narcissique et pervers). Dans chaque contexte, on pose les mêmes quatre questions à chaque malade, on note la réponse avec quelques observations.
Cette réalisation a le mérite de bien démontrer que ces désordres se manifestent par le langage et les « dialectes » permettent parfois de les identifier. C’est un bon exemple d’usage de la méthode Assimil. Le but des auteurs a été atteint. Néanmoins, je me demande s’il n’y aurait pas d’autres maladies qui pourraient aussi être identifiées par le langage.
On pourrait regretter que l’on n’apprend presque rien de la maladie elle-même, de la même façon que la méthode Assimil ne nous apprendra rien de la grammaire de la langue. Mais cela n’était pas le but des auteurs.
Citations
(p. 9)
La folie étant essentiellement une affaire de langage, la première chose que doit faire celui qui désire s’instruire de ses arcanes consiste évidemment à apprendre ses dialectes respectifs.
(p. 104-105)
La promenade : le paranoïaque
- Q – Beau temps, n’est-ce pas ?
- R – Je m’en étais aperçu, merci
- Q – À qui ai-je l’honneur ?
- R – Rien ne m’oblige à vous répondre
- Q – Avez vous l’heure ?
- R – Et vous même ?
- Q – Êtes-vous libre ce soir ?
- R – Savez-vous qu’il y a des lois qui sanctionnent votre conduite ?
Quatrième de couverture
La folie sert à empêcher que l’homme se connaisse. Elle prend différentes formes et nous aspirons tous à comprendre autrui en décryptant son langage.
Le manuel concocté ici par un philosophe, Clément Rosset et un psychologue, Didier Raymond, met à notre disposition la méthode la plus simple, la plus efficace et la plus drôle pour apprendre comment les humains communiquent à travers les modèles de la maladie mentale.
« La folie étant essentiellement une affaire de langage, la première chose que doit faire celui qui désire s’instruire de ses arcanes consiste évidemment à apprendre ses dialectes respectifs.
Il est vrai que le langage des fous passe généralement pour rebutant, obscur, difficile et désorientant, ne serait-ce que par sa variété. Comment s’y retrouver, par exemple, lorsque dans un salon chacun vous interpelle de tous côtés, qui en schizophrène, qui en paranoïaque, qui en pervers ? On comprend que, malgré toute sa bonne volonté, l’interlocuteur le mieux disposé finisse par se lasser et abandonner la partie.
Eh bien, nous vous affirmons qu’avec notre méthode, moyennant un minimum de patience et de régularité dans l’étude, le lecteur de La folie sans peine saura en quelques mois naviguer à l’aise dans cet océan linguistique déconcertant. Non seulement il saura parfaitement différencier les dialectes aussi différents que le paranoïaque ou le maniaco-dépressif, mais encore il saura lui-même s’exprimer très convenablement dans ces mêmes dialectes. Il saura ainsi non seulement comprendre les fous, mais encore leur parler. Tel est le but modeste, mais croyons-nous assez utile, que nous nous sommes proposé dans le présent ouvrage. »