Jean-Claude Carrière – A la vie

C’est un livre écrit par un monsieur de 90 ans, peu avant son départ. Il ne parle pas de lui. Il ne parle pas de ses échecs, de ses réussites ou de ses regrets.

Ce livre parle des trois crises en cours : économique, écologique puis sanitaire. C’est un livre qui interroge, incite le lecteur à se poser des questions, toutes les questions et d’autres encore. Il nous donne ses questions.

Il ne réponds à aucune d’entre elles. On peut parfois comprendre ses opinions et les partager ou pas, il n’y a pas de problème à ça. Quelles que soient les opinions des uns et des autres, il faut que ces questions soient posées.

Il est à la fin de sa vie, il le sait. Il n’est pas croyant et il le dit clairement. le monde qui suivra, ne sera plus le sien, mais aux générations suivantes. C’est à eux de décider le monde qu’ils voudront.

Une pensée à moi : est-ce tout ça de la faute aux générations précédentes ? Depuis quand ? Depuis les égyptiens, les grecs et les romains qui ont commencé à détruire la nature ? le savaient-ils ? Ont-ils fait exprès de détruire la nature ? La réponse est, bien entendu, non.

Le moment n’est plus aux querelles, trouver qui est fautif, mais à l’action.

L’auteur ne propose pas aucune solution, il le fait exprès. Mais il balaye d’un revers de main les utopies (ou dystopies) du genre un gouvernement mondial (voir la suggestion d’implantation mondiale du communisme faite par Edgar Morin dans son livre « Changeons de voie – les leçons du coronavirus »).

Néanmoins, comme Edgar Morin, il mentionne le besoin de plus de solidarité, travailler plus la main dans la main et arrêter les querelles. Il fustige lourdement les politiques, non pas parce qu’ils ne prennent les bonnes décisions mais l’impossibilité de travailleur avec l’opposition, quelle que soit la tendance politique dans le pouvoir.

Mais la merveille de ce livre est le mot de la fin. C’est le dernier livre écrit de son vivant. C’est comme s’il le savait. Et il nous laisse un message d’espoir. Cette fin mérite une petite place ici dans cette critique.

Citations

(p. 126)
Bien. Je vous quitte maintenant, il est temps de descendre à la cave pour voir ce que le vin est devenu pendant que j’écrivais ce petit livre. A-t’il gagné, a-t’il perdu quelque chose ? le temps l’a-t’il aidé, ou contrarié ? Je n’en sais rien.
Je parie pour un mieux possible.
Et on écrit toujours pour plus jeune que soi.
C’est pourquoi je vais descendre lentement le long des escaliers étroits (je marche de plus en plus difficilement), m’asseoir, choisir une bouteille, l’ouvrir en douceur et boire un verre de vin. En espérant qu’il sera bon et que ce ne sera pas le dernier.

Je ne vois rien de mieux à faire, pour le moment.
Et je vous invite à me suivre.
A notre santé !

FIN

 

(p. 114-115)
Cependant, nous avons un ennemi permanent qui ne nous quitte jamais, où que nous vivions, et qui s’appelle la Politique. Regardons et écoutons calmement autour de nous : il suffit qu’un homme de gouvernement, quel qu’il soit, un homme de pouvoir que nous avons élu, prenne telle ou telle décision pour que l' »opposition » se dresse aussitôt contre lui

Peu importent alors les motifs et même le contenu de la décision. L’essentiel est de dire, le plus haut et le plus souvent possible, que le « pouvoir » (choisi, élu par nous, je le répète) a pris la mauvaise route, et qu’il fallait faire tout autrement.

La vérité, disent les « opposants », c’est nous qui la possédons (alors qu’ils n »en ont pas fait usage lorsqu’ils étaient eux-mêmes « aux affaires »), et il fallait nous écouter, avant de voter.

C’est notre faute, à nous les électeurs, et pour ainsi dire les sujets. Nous n’avons pas suivi les bons conseils que personne ne nous donnait.

Quatrième de couverture

Voici le dernier livre de Jean-Claude Carrière, rédigé quelques mois avant sa mort.

Questionnement sur le monde à venir, par un homme qui s’apprête à le quitter, l’ayant intensément connu et parcouru et qui a passionnément aimé la vie.

Il est question de l’humanité, du bruit très doux de l’âme, de ce à quoi nous croyons, de tout ce que nous devrions et pourrions faire ensemble.

Un très beau texte, un hymne à la vie, un message d’espoir par un grand écrivain qui nous aide à croire encore et toujours en l’avenir.

Scénariste, dramaturge, écrivain, Jean-Claude Carrière a eu une vie de créateur. Il est l’auteur de grands succès comme Einstein, s’il vous plaît, Fragilité, Tous en scène, Croyance et, plus récemment, La Paix, La Vallée du Néant, Ateliers et Un siècle d’oubli, le XXe. Il s’est éteint en février 2021.