Ruwen Ogien – Un portrait logique et moral de la haine
Un petit bouquin de moins de 60 pages qui contient bien ce que dit le nom : une analyse logique de la haine.
Sentiment pas vraiment évident à définir, quelque peu différent de la conception courante.
On apprend que ce sentiment est toujours mauvais, au contraire de l’amour. Il n’existe pas de bonne haine.
Ruwen Ogien nous prend par la main pour montrer, dans un cheminement philosophique, les particularités de la haine par rapport à la colère et en opposition à l’amour.
Ce livre peut être presque résumé par les deux citations.
Cette édition a été écrite en 1993 et qu’il existe une édition plus récente, de 2017, et dont les mises à jour de sa pensée ont été ajoutées dans la préface.
Citations
(p.26-27)
La haine n’est pas un excès de colère, c’est tout autre chose que la colère.
- La colère résulte d’offenses directes faites à notre personne alors que la haine peut être éprouvée sans qu’aucune offense personnelle n’ai été subie;
- La colère s’attaque toujours à un individu, par exemple à Callias ou à Socrate; la haine peut viser toute une classe d’individus (les voleurs, les sycophantes, etc.).
- Le temps peut guérir la colère, la haine est incurable.
- La colère est un désir de causer du chagrin; la haine, un désir de faire du tort.
- Le coléreux veut être témoin de la peine qu’il inflige; le haineux ne s’en soucie pas.
- Le coléreux est dans une certaine relation au plaisir et à la peine (on ressent de la peine et du plaisir lorsqu’on est en colère). Mais le haineux ne ressent ni plaisir, ni peine (et s’il ne ressent pas de peine, c’est qu’il est plus proche du mal car le vicieux ne ressent pas de peine en agissant mal et les plus grands vices sont ceux dont on al le moins conscience).
- Du fait que le coléreux est dans la demeure du plaisir et de la peine, il peut aussi être saisi de pitié et renoncer à infliger une souffrance. Le haineux n’a aucune raison de renoncer.
Conclusion : le coléreux veut que celui qui a occasionné sa souffrance éprouve de la peine en retour. Le haineux, de son côté, est indifférent à cette souffrance. Ce qu’il veut seulement (seulement!), c’est que l’objet de sa haine cesse d’exister.
(p. 29)
On s’indigne justement lorsque quelqu’un reçoit une récompense imméritée ou qu’il subit des souffrances injustifiées. Par opposition, le haineux serait celui qui se réjouit lorsque quelqu’un subit des souffrances injustes et s’attriste lorsqu’il reçoit des récompenses méritées.
Quatrième de couverture
Qu’est-ce que la haine ? Est-elle » irrationnelle » ? Peut-elle être bonne ? Et peut-on en parler sans céder à l’inévitable pathos que semble appeler ce genre de sujet ? Face aux questions que pose la haine, les exemples se bousculent pour attester ce qu’il y a de haïssable, tantôt dans la haine elle-même, tantôt dans ce que nous n’aimons pas, comme si la nature de nos haines, leur objet, n’en commandait pas seulement les causes, mais aussi les raisons ou l’absence de raisons. Au risque d’entériner le paradoxe que la haine est à elle-même, Ruwen Ogien montre ici que la haine est une « relation » qui possède sa « logique » et que » si la haine est répugnante, ce n’est pas parce qu’elle est irrationnelle « , mais parce qu’elle est intrinsèquement mauvaise.
Ruwen Ogien est l’auteur d’une thèse sur la faiblesse de la volonté et de plusieurs articles consacrés aux questions d’éthique en philosophie analytique. Il est aussi le traducteur du livre de Thomas Nagel : « Qu’est-ce que tout cela veut dire ? » (L’éclat, 1993)