Sonia Feertchak – La vérité tue : Agatha Christie et la famille
J’ai lu peu de livres de Agatha Christie, peut-être trois ou quatre, il y a longtemps. Mais ça marque.
J’ai pris ce livre dans le « vide-bibliothèque » de Babelio (merci).
Ce essai analyse à fond l’œuvre de Agatha Christie et laisse, quand même, une petite partie pour la vie de Agatha Christie, elle même.
En fait, les livres d’Agatha Christie se passent quasiment tous dans un huis clos d’une grande propriété. Cet environnement crée l’isolement des personnages – le coupable est sûrement parmi eux.
Plus que des enquêtes, il s’agit de voir ces histoires comme des « cas d’observation psychologique » – l’auteur ne le dit pas clairement, mais c’est bien de cela qu’il s’agit ce livre. Il y a trois types de personnage : l’agresseur, la victime, et les autres… plus les enquêteurs (Hercule Poirot et Miss Marple).
Pour ceux qui apprécient les romans de Agatha Christie ou même des curieux comme moi qui s’intéressent plutôt aux aspects humains des gens, c’est un livre qui mérite le détour. Et du coup, je pense plonger dans la lecture de quelques uns de ses romans.
Petite remarque qui, à mon humble avis, a son importante : l’auteur de ce livre, Sonia Feertchak, est une adepte de l’écriture inclusive. En ce qui me concerne, je trouve dommage : ça défigure notre langue et ne rend pas le texte plus lisible.
Citations
(p 79-80)
Pour l’écrivaine, l’amour et le respect d’un enfant pour un ascendant peuvent légitimement être remis en question si ce dernier est doté d’une personnalité malveillance. Si l’on considère en plus, comme l’affirme Mathew Prichard, qu’elle « comprenait très bien les gens. Et ceux qui apparaissent dans es livres sont normaux », alors Christie lève un sacré tabou : chez le commun des mortels, l’affection entre proches ne va pas de soi et le mal peut toucher tout le monde. Il est répandu, familier, commun. En un mot : banal. « [Ce crime] était d’une absolue banalité, froidement prémédité, et limpide, jusqu’au moindre détail. » Banalité. Dans son texte, Christie emploie le mot au sens de cliché, d’habitude presque. Mais comment ne pas penser, par ailleurs, à la « banalité du mal » ?
(p. 119)
Bien avant que la fiction ne s’empare en masse des pervers narcissiques, du harcèlement, des perversions familiales et des processus de domination, Christie décrit la façon dont un prédateur objetise sa victime en nouant avec elle un lien toxique. En 1940, la philosophe Simone Weil décrit « la force devant quoi la chair des hommes se rétracte […]. La force, c’est ce qui fait de quiconque lui est soumis une chose. Quand elle s’exerce jusqu’au bout, elle fait de l’homme une chose au sens le plus littéral, car elle en fait un cadavre. » La force de l’emprise préfigure la mort. Elle est déjà la mort psychique juste avant la mort physique.
Quatrième de couverture
Sur les 66 romans à énigme d’Agatha Christie, plus de 50 mettent en scène des crimes familiaux.
Mais le meurtre est un écran de fumée; le vrai sujet de l’œuvre de Christie, c’est la banalité du mal au sein de la famille, et le silence qui l’entoure. Ressentiment, manipulation, jalousie, humiliation, inceste…
La vérité est tue de peur qu’elle ne tue. Au cœur des familles, certains ont tous les droites, d’autres n’ont que celui de (se) laisser faire et se taire.