Sophie Duplaix – Garouste

Le catalogue de l’exposition rétrospective de Gérard Garouste.

Un artiste que je ne connaissais pas. Et j’avoue que j’ai été plus qu’agréablement surpris.

Une exposition où aller plusieurs fois n’est pas un luxe, tellement il y a des choses à observer, des détails à découvrir. Il ne faut pas hésiter à découvrir la vie de l’artiste puisque c’est important pour comprendre ses œuvres.

Fils d’un père violent, ses rapports houleux avec son père ont laissé des traces et apparaissent dans plusieurs œuvres. Des événements marquants ou juste des souvenirs sont représentés dans des tableaux, tel le jour où son père a menacé sa mère avec un pistolet parce qu’elle ne prenait pas correctement une bouteille ou alors des disputes avec son père.

Ce n’est qu’à l’âge adulte qu’il a appris que son père, marchand de meubles et collaborateur pendant la deuxième guerre a spolié des familles juives. Comme une sorte de « mea culpa » il s’est lancé dans l’étude du judaïsme et du Talmud. Il s’est lié d’amitié avec le rabbin et philosophe Marc-Alain Ouaknin et, grâce à cette amitié, il a pu réaliser plusieurs tableaux et même deux versions de Haggada (le rituel de cérémonie de la Pâque juive), ainsi que plusieurs tableaux sur la culture juive.

Dans nombreux tableaux il se représente lui-même ou ses proches.

Il a eu des accès de folie, il a dû être interné trois ou quatre fois, lors des accès. Notamment lorsqu’il a eu une attitude déplacée dans la Cathédrale de Chartres pendant une cérémonie de mariage – il se baladait sur le fameux labyrinthe, il a cassé des cierges, … Ceci est représenté dans le tableau « Chartres ». Mais en dehors de ces quelques événements il ne semble pas être très touché par une folie persistante comme ça a été le cas d’un nombre d’autres artistes. C’est peut-être juste une émanation de sa génialité. Une très probable bipolarité.

Se disant autodidacte, il a très certainement une grande culture. Il n’hésite pas à pousser à fond des réflexions que je dirais même philosophiques ou historiques à la recherche de situations antagoniques. Cela apparaît dans plusieurs tableaux.

Mais ce qui est aussi impressionnant, c’est la taille des tableaux. La plupart font plusieurs mètres de hauteur, jusqu’à quatre ou cinq.

C’est une très belle exposition qui ne manque pas de plaire même à ceux qui n’apprécient pas l’art contemporaine.

Citations

(p. 59)

J’accepte toute critique que l’on peut faire de mon œuvre et ce d’autant plus naturellement qu’à mes yeux, la forme que prend ma peinture est secondaire. Mon style est ce qu’il est, il est reconnaissable en tant que tel et me définit aux yeux des spectateurs : à la fois classique par la technique que j’emploie, passant par l’ébauche, les glacis et les empâtements, et surréaliste dans ma manière un peu délirante de traiter mes sujets. Ma fondamentalement, les questions formelles ne me préoccupent pas. De toute façon, depuis le XXe siècle, en peinture tout a été fait : on a été classique, impressionniste, expressionniste, cubiste, abstrait, on a brûlé et tailladé des toiles, on a tenté toues sortes d’expériences plastiques… Aujourd’hui, ce médium a clos son histoire et son vocabulaire est limité, comme les mots d’un dictionnaire. Il n’en demeure pas moins que je suis très conscient de mon héritage et de ma dette : Goya, les miniatures du Moyen ⁼Age, Léonard de Vinci, Tintoret, Van Gogh, De Chirico, Picasso, Duchamp. Le style d’un artiste n’est jamais que le résidu de toutes les influences qui l’ont parqué : c’est ce qui reste quand il s’est débarrassé de ce qui l’a nourri.

Quatrième de couverture

Gérard Garouste, né en 1946, est l’un des plus importants peintres contemporains français, adepte d’une figuration sans concession. Sa peinture qu’il inscrit tour à tour dans la mythologie, la littérature, le récit biblique et les études talmudiques, ne cherche pas à séduire. Elle ne craint ni les aberrations, ni les déformations, mutilations et recompositions de la figure. C’est une peinture qui questionne sans relâche, bouscule les certitudes : une peinture qui dérange, mais sur le mode d’un jeu dont les règles seraient sans cesse à réinventer. La rétrospective qui lui consacre le Centre Pompidou permet de saisir toute la richesse du parcours inclassable de Garouste, « l’intranquille », dont la vie, sous le signe de l’étude mais aussi de la folie, et l’œuvre énigmatique se nourrissent l’une l’autre en un dialogue saisissant.