Annette Wieviorka – Eichmann : de la traque au procès

Le jugement d’Adolf Eichmann est, sûrement, celui le plus emblématique depuis le jugement de Nuremberg et ceux qui ont suivi peu après.

D’une part parce qu’il a été jugé par les victimes et pas par les vainqueurs, comme ça a été le cas à Nuremberg. Et d’autre part par son rôle dans la « Solution finale de la question juive ». Malgré son poste pas très élevé (lieutenant colonel) il a été le responsable de la logistique de transport et même la distribution de la quantité de « matière première » (les victimes) pouvant être acheminée vers les industries d’extermination. Donc, un personnage symbolique et très important puisqu’il était en contact presque direct avec Himmler.

Plus d’une décennie après la fin de la guerre, la traque et le jugement de ces criminels n’était plus une priorité ni pour l’Allemagne ni pour les alliés. Il fallait que quelqu’un le fasse et, donc, les Israéliens l’ont fait.

Ceci n’apparaît pas dans le livre, mais la capture de Adolf Eichmann doit beaucoup au procureur allemand Fritz Bauer. Ce procureur a beaucoup œuvré pour traîner en justice les anciens criminels. Ayant pu être informé de la localisation de Eichmann en Argentine et, n’ayant pas confiance à la justice de son propre pays où travaillaient encore des anciens nazis, il transmit les informations directement aux autorités israéliennes, qui ont donné suite (voir page Wikipédia de Fritz Bauer).

Ce jugement, pour Israël, avait une importance capital pour la mémoire en plus du jugement d’un nazi directement impliqué dans la Shoah. Donc, beaucoup de faits rappelés lors des séances n’avaient pas de rapport direct avec Eichmann, mais avaient pour but de rappeler ce que c’était la « Solution finale ».

Après un chapitre racontant le parcours de Eichmann après la guerre, vient le récit commenté du jugement, c’est-à-dire les moments les plus importants. La préparation du jugement a mis un an et le jugement lui-même a duré 9 mois.

La ligne de défense de Eichmann a été de dire qu’il n’était qu’un employé de bureau qui obéissait des ordres et qu’il ne faisait que les exécuter, et que, en tant que militaire, il ne pouvait pas faire autrement. Il a été condamné à mort et après appel et demande de grâce il a été exécuté par pendaison.

On trouve à la fin, un recueil des critiques faites au jugement, certaines pertinentes mais pas toutes (y compris des négationnistes). Ce livre ayant été écrit en 2011, 50 ans après le jugement, on a déjà une idée assez claire.

Plusieurs pages sont dédiées aux critiques qui ont pu être faites au livre de Hannah Arendt, « Eichmann à Jérusalem », considéré comme LA référence sur ce jugement. Parmi tout ce que l’on dit sur ce livre, Annette Wieviorka relève deux aspects comme les plus importants. Tout d’abord, une possible collaboration des juifs avec les nazis que sans cela le nombre de morts aurait été bien moins important, ce que Annette Wieviorka conteste. Il y a eu des collaborations, certes, mais elles n’ont pas été spontanées et en tout état de cause, rien ne dit que le nombre aurait été inférieur. Comme le dit l’auteur, l’histoire se fait avec des faits et pas avec des hypothèses. Le deuxième point concerne l’expression « banalité du mal », qui semble maintenant faire consensus, en ce qui concerne Eichmann.

Il y a encore un troisième point, la légitimité de ce jugement en Israël. Il n’y a pas de réponse mais il me semble difficilement contestable. Il fallait juger Eichmann mais vue le contexte des années 50 en Allemagne si Israël ne l’avait pas fait, il aurait pu continuer à couler des jours en toute impunité. D’autre part, ce jugement a, d’une certaine façon, relancé d’autres jugements de nazis.

Une première édition de ce livre a été publié en 1989 sous le titre « Le Procès Eichmann ». Ceci est une édition revue et augmentée.

Pour ceux qui s’intéressent à ce sujet, d’autres livres qui semblent être les plus intéressants sont :

  • Hannah Arendt – Eichmann à Jérusalem
  • Léon Poliakov – Le procès de Jérusalem
  • David Casarini – Eichmann (biographie)

Citations

Quatrième de couverture

Le 11 avril 1961, à Jérusalem, s’ouvre le procès d’un ancien dignitaire nazi : Adolf Eichmann, responsable logistique de la « Solution finale », retrouvé l’année précédente en Argentine et enlevé par les services secrets israéliens. Au delà d’un « Nuremberg du peuple juif », il s’agit pour Israël de donner au monde une leçon d’histoire.

Était-il légitime d’enlever Eichmann ? Devait-il être jugé par un tribunal israélien ? Ses droits fondamentaux furent-ils bafoués ? Quelles furent ses responsabilités réelles dans le génocide des Juifs ? Et sa vraie personnalité : haut fonctionnaire loyal, antisémite fanatique, exécutant discipliné ou simple rouage de « la banalité du mal » comme suggéré Hannah Arendt ?

De l’arrestation d’Eichmann, en mai 1960, jusqu’à son exécution dans la prison de Ramla, le 31 mars 1962, Annette Wieviorka retrace les phases essentielles d’un événement qui fit entrer la Shoah dans l’Histoire. Elle examine aussi les polémiques qui s’ensuivirent quant à l’appréciation des degrés de responsabilité dans la nébuleuse administrative nazie.
Wieviorka retrace les