Laurent Joly – La rafle du Vel d’Hiv
La rafle du Vel d’Hiv, les 16 et 17 juillet 1942, est la plus grande rafle des nazis en France et mĂȘme dans les pays de l’Europe de l’Ouest.
Ce livre est exceptionnel et restera, trĂšs probablement, comme le rĂ©cit dĂ©finitive de l’histoire de cette rafle.
« La grande rafle du Vel d’Hiv » de Claude LĂ©vy et Paul Tillard, publiĂ© en 1967 Ă©tait jusqu’au prĂ©sent la rĂ©fĂ©rence, malgrĂ© les imperfections connues. AprĂšs ce premier livre, il y a eu tous les travaux de Paxton et Marrus, puis Serge Klarsfeld. Laurent Joly publie ce livre au moment ou on remĂ©more les 80 ans de cette rafle. MĂȘme si ce livre tient compte des conclusions de Paxton et Marrus Vichy et les Juifs), Laurent Joly a fait un travail monstrueux de recherche se basant aussi et surtout sur des tĂ©moignages et sur les archives administratifs de l’Ă©poque. Ce sont 50 pages de rĂ©fĂ©rences bibliographiques. L’Ă©tude de cette rafle est dans la mĂȘme ligne que d’autres recherches de Laurent Joly comme le montre les nombreux autres livres qu’il a publiĂ© sur cette pĂ©riode de l’histoire.
La diffĂ©rence entre ce livre et autres rĂ©cents sur le sujet (celui de Maurice Rajsfus, par exemple) est qu’il s’appuie sur des sources irrĂ©futables, et met un point final dans le mythe comme quoi le gouvernement de Vichy aurait protĂ©gĂ©, tant qu’il a pu, les juifs français.
Ainsi, on sait maintenant que, au contraire de ce que l’on a cru pendant longtemps, cette rafle a Ă©tĂ© menĂ©e complĂštement pas la police française, de la planification jusqu’Ă l’exĂ©cution, sans aucune intervention de la Gestapo.
GrĂące Ă une recherche minutieuse dans les tĂ©moignages et les documents administratifs Laurent Joly a pu rĂ©tablir toute l’histoire de la rafle dĂšs la genĂšse de la rafle jusqu’Ă la fin de la guerre. Ainsi, il a pu constater que la liste de juifs qui Ă©taient prĂ©vus d’ĂȘtre arrĂȘtĂ©s lors de la rafle a Ă©tĂ© utilisĂ©e jusqu’Ă la fin de l’occupation pour traquer ceux qui avaient Ă©chappĂ©.
On peut aussi voir que si certains policiers ont fait du zĂšle et se sont mĂȘme acharnĂ©s, d’autres ont, autant que possible, Ă©viter des arrestations ou n’ont fait le minimum pour ne pas se compromettre.
Et la fin, l’admiration de François Mitterrand envers Pierre Laval et Philippe PĂ©tain et les liens d’amitiĂ© avec RenĂ© Bousquet.
Citations
(p.308)
Pendant une vingtaine d’annĂ©es, le souvenir de la grande rafle reste, pour l’essentiel, interne Ă la communautĂ© juive. Chaque annĂ©e, des cĂ©rĂ©monies se dĂ©roulent devant le VĂ©lodrome dâHiver, dans la petite rue NĂ©laton (15Ăšme). En 1959, la salle des sports est dĂ©truite. La plaque disparaĂźt puis rĂ©apparaĂźt trois ans plus tard, Ă l’occasion du vingtiĂšme anniversaire de la rafle, sur une façade du boulevard de Grenelle, non loin de la rue NĂ©laton. Plus de 10000 personnes se pressent Ă cette commĂ©moration.
En 1965, pour la premiÚre fois, un chef du gouvernement, le Premier ministre Georges Pompidou, rend un hommage public aux déportés juifs. Deux ans plus tard, le président de Gaulle, accusant réception du « bouleversant témoignage »que lui
a Ă©tĂ© adressĂ© Claude LĂ©vy (son livre La Grande Rafle du Vel d’Hiv, cosignĂ© avec Paul Tillard, 1967), estime qu’il s’agit là « d’une des pages les plus sinistres de l’histoire, de l’occupation et de la collaboration ».L’Ă©vĂšnement s’impose peu Ă peu dans la mĂ©moire nationale. Mais un point demeure largement tabou : la participation de la police française. Jusqu’au dĂ©but des annĂ©es 1980, les manuels scolaires dĂ©crivent une opĂ©ration exĂ©cutĂ©e par les seules « autoritĂ©s nazies ». La grande Histoire de la France et des Français publiĂ©e chez Larousse en 1972 sous la direction d’AndrĂ© Castelot et d’Alain Decaux informe que la rafle de juillet 1942 fut conduite par « les Allemands […] aidĂ©s de Darquier de Pellepoix » tandis que « PĂ©tain s’indigne en vain » ! Quand Ă l’Histoire de France en bande dessinĂ©e (1978) le volume consacrĂ© Ă la pĂ©riode 1919-1975 Ă©voque « 13000 personnes […] arrĂȘtĂ©es par la Gestapo »…
(p.310)
La rafle du Vel d’Hiv ne fut en rien le fait de « minoritĂ©s activistes » (celles des Darquier de Pellepoix ou des Doriot). Le marĂ©chal PĂ©tain lui-mĂȘme, que le jeune Mitterrand admirait, en approuva le principe. Ses dĂ©cideurs cĂŽtĂ© français furent Pierre Laval (que François Mitterrand respectait comme l’un des rares hommes d’Ătat de la TroisiĂšme RĂ©publique) et RenĂ© Bousquet, qui comptait parmi les amis personnels du futur prĂ©sident socialiste. Et elle fut exĂ©cutĂ©e par la policie parisienne et ses gardiens de la paix…
QuatriĂšme de couverture
La rafle dite du « Vel dâHiv » est lâun des Ă©vĂ©nements les plus tragiques survenus en France sous lâOccupation. En moins de deux jours, les 16 et 17 juillet 1942, 12 884 femmes, hommes et enfants, rĂ©partis entre Drancy (prĂšs de 4 900) et le Vel dâHiv (8 000), ont Ă©tĂ© arrĂȘtĂ©s par la police parisienne Ă la suite dâun arrangement criminel entre les autoritĂ©s allemandes et le gouvernement de Vichy. Seule une petite centaine de ces victimes survivra Ă lâenfer des camps nazis.
Cette opĂ©ration emblĂ©matique et monstrueuse demeure pourtant relativement mĂ©connue. LâarriĂšre-plan administratif et la logistique policiĂšre de la grande rafle nâont Ă©tĂ© que peu Ă©tudiĂ©s, et jamais dans le dĂ©tail. LĂ©gendes (tel le nom de code « opĂ©ration Vent Printanier ») et inexactitudes (sur le nombre de personnes arrĂȘtĂ©es ou celui des effectifs policiers) sont rĂ©pĂ©tĂ©es de livre en livre. Et lâon ignore que jamais Vichy ne livra plus de juifs français Ă lâoccupant que le 16 juillet 1942 !
DâoĂč lâambition, dans cet ouvrage, dâune histoire Ă la fois incarnĂ©e et globale de la rafle du Vel dâHiv. Une histoire incarnĂ©e, autrement dit au plus prĂšs des individus, persĂ©cutĂ©s comme persĂ©cuteurs, de leur Ă©tat dâesprit, de leur vĂ©cu quotidien, de leurs marges de dĂ©cision. Mais aussi une histoire globale, soucieuse de restituer la multiplicitĂ© des points de vue, des destinĂ©es, et attentive au contexte de la politique nazie et de la collaboration dâĂtat.
Une recherche largement inĂ©dite, la plus riche et variĂ©e possible, de la consultation de centaines de tĂ©moignages Ă une exploitation inĂ©dite des « fichiers juifs » de la PrĂ©fecture de police de Paris. Mais la partie la plus importante de lâenquĂȘte a consistĂ© Ă rechercher des « paroles » de policiers : 4 000 dossiers dâĂ©puration des agents de la prĂ©fecture de police ont Ă©tĂ© dĂ©pouillĂ©s. Parmi eux, plus de 150 abordent la grande rafle et ses suites. Outre les justifications de policiers, ces dossiers contiennent des paroles de victimes, des tĂ©moignages (souvent accablants) de concierges, et surtout des copies de rapports dâarrestation, totalement inĂ©dits.
Fruit de plusieurs annĂ©es de recherche menĂ©es par l’auteur, oĂč les archives de la police et de lâadministration auront Ă©tĂ© mĂ©ticuleusement fouillĂ©es, La Rafle du Vel dâHiv apporte une lumiĂšre nouvelle sur lâun des Ă©vĂ©nements les plus terribles et les plus difficiles Ă apprĂ©hender de notre histoire contemporaine.