Monique Horwitz-Guérin – Dans la tête du médecin
Monique Horwitz-Guérin est médecin généraliste. Elle a exercé en cabinet pendant 43 ans et enseigné à l’Université Paris-Descartes pendant plus de 30 ans. Elle est, vraisemblablement à la retraite.
Je me suis intéressé à ce livre pour des questions personnelles et je l’ai trouvé fortement intéressant, pas juste pour les non médecins comme moi mais aussi, sûrement, les médecins en début de carrière et pourquoi pas les médecins expérimentés.
Monique Horwitz passe en revue exhaustivement, je crois, tout ce qui passe par la tête d’un médecin : allant des anecdotes du temps d’étudiante, jusqu’à la fin de sa carrière. Tout passe : les rapports avec ses patients, ses doutes concernant l’éthique médicale, les épidémies, les collègues, fin de vie, acharnement thérapeutique et euthanasie, …
Un médecin généraliste a des particularités que l’on trouve dans peu d’autres spécialités : il accompagne les patients sur une durée en général très longue (médecin traitant), parfois jusqu’à la fin de vie, et est le premier interlocuteur sur l’ensemble des maladies ou dysfonctionnements biologiques. Cela fait qu’il établit, naturellement, des liens durables avec les patients, qui peuvent parfois être positifs mais pas toujours. Les médecins généralistes développent aussi un sens d’observation assez pointu : elle cite un exemple d’un patient dont elle a observé sa démarche pour se lever de sa chaise dans la salle d’attente pour entrer dans son cabinet. Les gestes, la façon de parler, … peuvent être caractéristiques de certaines maladies. Une autre spécialité qui partage ces caractéristiques est la pédiatrie. La différence est que le pédiatre s’occupe de l’arrivée dans ce monde, tandis que le généraliste s’occupe de son séjour jusqu’au départ.
Une autre particularité de cette femme médecin est qu’elle a fait ses études dans les années 70 et a travaillé jusqu’aux années 2010-2020. C’est une période où il y a eu une avancée technique importante dans une période courte : l’arrivée des ordinateurs, un tas d’examens qui n’existaient pas auparavant et même des médicaments. Elle a vécu cette transition et elle nous fait part.
Elle mentionne un autre livre dans ce genre : « La maladie de Sachs », de Martin Winckler (je ne l’ai pas lu). Ce livre semble intéressant mais il ne couvre pas cette transition technologique vécue par Monique Horwitz-Guérin, et ce médecin n’a pas pratiqué autant qu’elle. Son livre est du vécu.
Citations
(p. 160)
Le souci de l’autre, l’empathie ont pris place dans tous les services hospitaliers. Je me souviens des salles communes d’un grand hôpital parisien, où je faisais un stage d’externe il y a cinquante ans. Chaque salle, de format rectangulaire, contenait vingt lits, dix sur chaque mur de la longueur. C’est de cette organisation en salles communes de vingt lis que vient le nom de l’hôpital Quinze-Vingt (quinze salles de vingt lits, soit trois cents places), qui affichait une belle innovation lors de sa création, en 1260, par Saint-Louis : il était destiné aux nombreux aveugles revenant des croisades.
(p. 162)
Pour les étudiants en médecine, se plonger dans le récit des médecins qui les ont précédés, ce n’est pas faire de l’histoire de la médecine au sens où l’entendent les historiens, c’est se soucier du cheminement de la pensée médicale depuis les origines de l’humanité. S’interroger sur les croyances primitives, comprendre les hésitations, les doutes, les erreurs des anciens, aide à se rapprocher de la conception que les malades se font, actuellement, de leur maladie et des réticences qu’ils peuvent avoir vis-à-vis de tel traitement, de telle vaccination. C’est aussi en lisant les descriptions de maladies, souvent plus fines et plus précises dans les ouvrages anciens que dans ceux que l’on étudie aujourd’hui que se développent le goût de la clinique, la finesse des diagnostics sans l’aide d’examens complémentaires. L’analyse critique des jeunes médecins, ainsi alimentée par ce regard sur le passé, se développerait d’une façon plus humaniste en s’opposant aux apprentissages qui privilégient l’abord scientifique et biomédical de la maladie.
Quatrième de couverture
« Au début, il y a le silence. Celui qui m’est nécessaire. Le calme avant d’agir. Arriver avant les patients, avant les premiers appels. Écouter l’immeuble se réveiller, la ville s’animer. Ranger quelques dossiers, trier quelques papiers, regarder le planning, les rendez-vous, débrancher le répondeur, ouvrir l’ordinateur, scanner ce qui n’a pas été fait la veille, trop fatiguée, c’était l’heure de rentrer. Attendre le premier coup de téléphone, la sonnette qui va retentir. Et puis commencer à répondre, à parler, à conseiller, à organiser. La vie quotidienne du médecin s’éveille au rythme qu’il imprime, à la vitesse que les malades imposent chaque jour. Le cabinet reste son antre. »