Fernando Gabeira – O que é isso companheiro

Le titre de la version française de ce livre est « Guérilleros fatigués ».

Fernando Gabeira est un des guérilleros qui se sont battus contre la dictature militaire au Brésil.

Une introduction au contexte était inutile au Brésil lorsque ce livre a été écrit en 1979. Ce n’est peut-être plus le cas maintenant.

En 1959, les guérilleros de Fidel Castro renversent la dictature de Fulgencio Batista et instaurent une dictature communiste. Au Brésil, à l’époque, les partis et mouvances communistes étaient interdits mais tolérés. Ils ont reçu, à partir de 1961, des subventions venant de Cuba. Les militaires ont pris le pouvoir en 1964 pour éviter qu’il se passe au Brésil la même chose qu’à Cuba. Si c’était une bonne solution ou pas est un sujet toujours de controverse et hors sujet ici. Certains parlent de dictature et d’autres d’état autoritaire. Le fait est qu’à partir de cette date les partis communistes ont été interdits et réprimés. Puis une lutte armée s’est mis en place surtout à partir de 1966 et a été quasiment anéantie vers 1972-73. C’est pendant cette période, 1966-1974 que la répression a été la plus feroce : torture, assassinats, disparitions.

Certains guérilleros brésiliens se sont inspirés du français Régis Debray et de son livre « Révolution dans la révolution » [1]. Il prônait la lutte armée en Amérique Latine. Il a, dans les années 60, luté à côté de Chez Guevara. Selon la fille de Che Guevara, ce serait lui qui, sous la torture, a dit à la CIA où se trouvait Che Guevara, ce qui a permit son arrestation et mort [2].

Revenons à ce livre. Fernando Gabeira est un des guérilleros de la lute armée au Brésil dans le groupe MR-8. Il nous raconte comment il est entré dans da guérilla, les faits marquants, la prison, la torture et la libération. C’est le point de vue d’un des guérilleros.

Le coup le plus sensationnel dont Gabeira a participé a été l’enlèvement, en 1969, de l’Ambassadeur des États Unis au Brésil. Il a été échangé contre la libération et exil de 15 prisonniers politiques. Gabeira a été arrêté quelques jours après. L’année suivante, c’est au tour de l’Ambassadeur d’Allemagne d’être enlevé et échangé contre la libération, et exil, de 40 autres prisonniers, dont Fernando Gabeira.

Ce n’est pas dit dans le livre, mais l’exil de Gabeira a commencé en Algérie, puis Chili, Italie et Suède. En Suède il a eu un diplôme en anthropologie. Il est rentré au Brésil en 1979 lors d’une loi qui a amnistié tous les anciens guérilleros. C’est quand il a écrit ce livre [3].

Il y a plusieurs points intéressants dans ce livre. Tout d’abord, il y a peu d’anciens guérilleros qui racontent leur aventure comme il l’a fait. Ce livre a été transposé au cinéma avec le titre du livre en portugais « O que é isso, companheiro » et la version française avec le titre « Quatre jours en septembre » [4]. Je n’ai pas vu le film mais il semblerait que quelques petites libertés ont été prises dans le contenu par rapport au livre.

Il y avait, parmi les guérilleros, des militants de la mouvance communiste ainsi que des jeunes, idéalistes ou utopistes, qui voulaient changer la société vers une société qu’ils estimaient plus juste. Fernando Gabeira est un des rares anciens guérilleros qui a toujours dit ouvertement que, en fait, ils ne se battaient pas pour la démocratie mais pour renverser la dictature militaire et implanter une dictature du prolétariat, selon le modèle de Cuba, Russie ou Chine (il y avait plusieurs mouvances). Les anciens guérilleros, qui continuent à faire de la politique, tels Dilma Rousseff, continuent à se vanter qu’ils se battaient pour la démocratie.

« Tous les anciens guérilleros disent qu’ils luttaient pour la démocratie. Mais si vous regardez le programme que nous avions à cette époque, nous voulions une dictature du prolétariat. C’est un point de séparation avec le passé. La lutte armée ne visait pas la démocratie, du moins pas dans son programme. » [5]

En fait, c’est le choix entre une ou l’autre dictature : la militaire, à mon humble avis, n’avait pas vocation à s’éterniser tandis que la populaire oui. Et il n’y avait rien de démocratique dans leur démarche puisque cela supposait imposer par la force un nouveau modèle de société, sans demander l’avis des brésiliens, par le vote ou même un plebiscite. Il reste à prouver si leur dictature aurait été plus démocratique que la militaire ou même moins meurtrière, vu celle de Cuba.

Même sans partager toutes les idées en politique de Fernando Gabeira, je l’apprécie parce qu’il est un des rares anciens guérilleros, ou des personnages politiques, qui font une auto-critique objective de leur passé et de la politique actuelle brésilienne.

C’est un livre qui se lit très facilement

[1] https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gis_Debray#R%C3%A9volution_dans_la_r%C3%A9volution_?

[2] https://fr.wikipedia.org/wiki/R%C3%A9gis_Debray#Arrestation_et_prison_en_Bolivie

[3] https://pt.wikipedia.org/wiki/Fernando_Gabeira (la version en portugais est plus complète).

[4] https://fr.wikipedia.org/wiki/Quatre_Jours_en_septembre

[5] https://pt.wikipedia.org/wiki/Fernando_Gabeira#Carreira_pol%C3%ADtica

Citations

Quatrième de couverture

Publié pour la première fois en 1979, « O que é isso, companheiro ? » a remporté une place de choix dans la catégorie des livres qui décrivent le mieux l’une des périodes les plus obscures de l’histoire du Brésil : la dictature militaire.

Document historique – ce serait la meilleure manière de catégoriser le récit que Fernando Gabeira entreprend pour nous raconter, à la première personne, comment de jeunes guérilleros, en 1969, ont réussi à réaliser l’exploit le plus spectaculaire d’un groupe de gauche : l’enlèvement de l’ambassadeur américain. Le journaliste de l’époque, qui avait récemment quitté le Jornal do Brasil, et ses collègues organisateurs ont « échangé » la vie de l’ambassadeur contre la libération de 15 prisonniers politiques.

Des héros? Des méchants ? Des fous ? Des inconséquents ?

La vitalité de ce livre, sa permanence et son importance résident dans le fait que son auteur n’a jamais été insensible aux contradictions de sa génération. Dans les pages de ce récit percutant, émouvant et parfois ironique, nous sommes confrontés à nos propres fantômes. Sommes-nous vraiment si différents de Fernando Gabeira ?

A 75 ans, il continue son chemin, racontant et réfléchissant sur l’histoire de notre pays. Le courage d’admettre que nous devons nous réinventer chaque jour pour c

Publié pour la première fois en 1979, « O que é isso, companheiro ? » a remporté une place de choix dans la catégorie des livres qui décrivent le mieux l’une des périodes les plus obscures de l’histoire du Brésil : la dictature militaire.

Document historique – ce serait la meilleure manière de catégoriser le récit que Fernando Gabeira entreprend pour nous raconter, à la première personne, comment de jeunes guérilleros, en 1969, ont réussi à réaliser l’exploit le plus spectaculaire d’un groupe de gauche : l’enlèvement de l’ambassadeur américain. Le journaliste de l’époque, qui avait récemment quitté le Jornal do Brasil, et ses collègues organisateurs ont « échangé » la vie de l’ambassadeur contre la libération de 15 prisonniers politiques.

Des héros? Des méchants ? Des fous ? Des inconséquents ?

La vitalité de ce livre, sa permanence et son importance résident dans le fait que son auteur n’a jamais été insensible aux contradictions de sa génération. Dans les pages de ce récit percutant, émouvant et parfois ironique, nous sommes confrontés à nos propres fantômes. Sommes-nous vraiment si différents de Fernando Gabeira ?

A 75 ans, il continue son chemin, racontant et réfléchissant sur l’histoire de notre pays. Le courage d’admettre que nous devons nous réinventer chaque jour pour construire un monde meilleur et plus démocratique reste l’une de ses qualités les plus marquantes. À ceux qui résistent, c’est à nous de demander : O que é isso, companheiro ?