Pascal Bruckner – Le sacre des pantoufles

C’est une sĂ©rie historique. L’auteur commence avec Oblomov de Ivan Gontcharov. Un gars qui a passĂ© sa vie entre le lit et le canapĂ©. Le comble a Ă©tĂ© le confinement de la pandĂ©mie. Le pantouflage de Oblomov a Ă©tĂ© choisi tandis que celui de la pandĂ©mie, imposĂ©. Mais… est-ce qu’on a aimĂ© ?

Pascal Bruckner a recherché dans les écrits, fiction ou pas, situations qui font que le pantouflage peut devenir une envie latente.

On ne peut ne pas parler d’internet, les tĂ©lĂ©phones portables, les rĂ©seaux sociaux, … qui font qu’on est, en apparence en contact avec quelqu’un sans devoir sortir de son lit. Mais il y a un tas d’autres raisons : le dĂ©faitisme, la sensation de manque d’avenir, le cocooning, …

Cette envie de rester chez soi à ne rien faire est devenue réalité avec le confinement. Possibilité de rester en pyjama toute la journée, tout en télétravaillant. Des posts dans les réseaux sociaux ont montré des situations cocasses telles le coup de la vidéo en route pendant que le télétravailleur se lÚve et apparaßt juste en slip.

Le confinement est fini, mais il a validĂ© le tĂ©lĂ©travail qui s’est gĂ©nĂ©ralisĂ©. Avec beaucoup d’avantages aussi bien pour les employeurs que pour les employĂ©s.

Livre intéressant qui montre, parfois avec humour, que le pantouflage est, pour beaucoup, une tendance naturelle.

En effet, pour les introvertis qui ont envie ou besoin d’avoir beaucoup de moments de solitude, c’est parfait. Par contre, le risque de casser des liens sociaux, de gĂ©nĂ©rer un individualisme excessif, est important.

Citations

(p. 33)

« Tout le malheur des hommes est de ne savoir pas demeurer en repos dans leur chambre », disait Pascal. Et il poursuit : « De lĂ  vient que les hommes aiment tant le bruit et le remuement, de lĂ  vient que la prison est un supplice si horrible. De lĂ  vient que le plaisir de la solitude est une chose si incomprĂ©hensible. » On pourrait lui rĂ©torquer que tout leur malheur dans les annĂ©es Ă  venir sera peut-ĂȘtre de ne plus vouloir quitter leur chambre. Ce qui les menacera alors sera moins le virus que l’inaction, moins le risque de tomber malade que de pĂ©rir d’ennui. N’en dĂ©plaise Ă  Pascal, le divertissement est essentiel, la futilitĂ© vitale, le voyage indispensable et sans ces entractes qui interrompent le quotidien, l’existence ressemblerait vite Ă  une pĂ©nitence : entre la mĂ©ditation sur la misĂšre de l’homme sans Dieu et la distraction, il y a un troisiĂšme terme que Pascal, homme d’Ancien RĂ©gime, ne pouvait concevoir : l’action et le travail.

QuatriĂšme de couverture

Deux grandes idéologies dominent nos sociétés occidentales : le déclinisme et le catastrophisme.

Depuis le dĂ©but du siĂšcle, tous les Ă©vĂ©nements semblent confirmer ce pronostic : le rĂ©chauffement climatique, le terrorisme islamiste, le coronavirus et, enfin, la guerre Ă  l’Est de l’Europe de la Russie contre l’Ukraine.

Face Ă  cette situation, la doxa veut que le seul recours raisonnable soit de rĂ©intĂ©grer le foyer, dernier refuge et protection contre la sauvagerie. Mais la maison de nos jours n’est pas un simple abri, elle est bien davantage: un espace en soi qui supplante et remplace le monde, un cocon connectĂ© qui rend peu Ă  peu superflu toute percĂ©e vers le dehors. Depuis son canapĂ©, on peut jouir par procuration des plaisirs qu’offraient jadis le cinĂ©ma, le thĂ©Ăątre, les cafĂ©s. Tout ou presque peut nous ĂȘtre livrĂ© Ă  domicile, y compris l’amour. Pourquoi dĂšs lors sortir et s’exposer ? A l’instar du hĂ©ros de la littĂ©rature russe Oblomov, qui vĂ©cut couchĂ© et ne parvint jamais Ă  quitter son lit pour affronter l’existence, allons-nous devenir des ĂȘtres diminuĂ©s, recroquevillĂ©s et atones ?

Tout l’enjeu de cet essai est de dresser l’archĂ©ologie de cette mentalitĂ© du repli et du renoncement, d’en saisir les racines philosophiques et les contours historiques. Car jamais la tension entre le dĂ©sir de vagabondage et le goĂ»t de la rĂ©clusion n’a Ă©tĂ© aussi forte. Et le confinement obligatoire, vĂ©ritable cauchemar des derniĂšres annĂ©es, semble avoir Ă©tĂ© remplacĂ© chez beaucoup par un auto-confinement volontaire.

Fuite loin des villes, tĂ©lĂ©travail, condamnation du voyage et du tourisme, nous risquons de devenir des crĂ©atures de terrier qui se calfeutrent Ă  la moindre secousse. Ce n’est pas la tyrannie sanitaire qui nous menace mais la tyrannie sĂ©dentaire : la pantoufle et la robe de chambre seront-elles les nouveaux emblĂšmes du monde d’aprĂšs ?