Jean Sévilla – Moralement correct

Cet ouvrage passe en revue les idées derrière le “politiquement correct” qui risque de devenir un jour le “moralement correct”. Idées que l’auteur estime soutenues par la génération “baby boom“, ceux qui avant autour de 20 ans en 1968. Et pour dire clairement, ce sont pour la plupart des thèmes “progressistes” : l’immigration, l’anticolonialisme, les étrangers, la vision sociale selon les progressistes, … Certains thèmes n’étaient pas encore très visibles au moment de la sortie de l’ouvrage, tels le genre (LGBTQIA+)…

L’auteur traite chacun de l’ensemble de ces sujets (voir table des matières) avec des contre-arguments démontrant souvent les incohérences, voir des absurdités. Des très nombreux morceaux mériteraient apparaître comme des citations.

On relève surtout l’individualisme et une préoccupation avec les sujets sociaux qui me semble relever de l’utopie, voire de la dystopie. Intéressant noter que l’auteur relève l’impact de la fin du service militaire obligatoire sur ces sujets. Le service militaire permettait de transmettre des valeurs qui se perdent.

Ce livre a été publié en 2008, seize ans déjà, mais il reste d’actualité. Les thèmes sont quasiment les mêmes mais, à mon avis, les défenseurs de ces thèmes sont devenus bien plus agressifs, surtout lorsqu’il s’agit de l’extrême gauche avec qui le dialogue est quasiment impossible.

Table des matières

* Une révolution silencieuse
1. Moi je
2. Plaisir et dépendances
3. Sexe attitude
4. Le couple et l’enfant roi
5. Le droit au (non-) travail
6. C’est la faute à la société
7. Sans papiers mon amour
8. Citoyens du monde
9. L’État sans moi
10. France cultures
* La morale, ce chaînon manquant

Citations

(p. 19)

Répétées par tous les moyens et sur tous les tons, de l’école à la télé, amplifiées par la complicité active d’une génération de responsables politiques, sociaux et culturels qui ont eu 20 ans en 1968, ces idées forment le fond de l’air du temps. S’y soumettre serait une obligation morale (et bientôt juridique). C’est cela le moralement correct : une morale revisitée par le politiquement correct. À force d’être ressassées, ces idées sont plus ou moins intériorisées par chacun.

(p. 30)

En 2005, Laurent Lafforgue est nommé par le chef de l’État au Haut Conseil de l’Éducation. Cette instance, nouvellement créée par la loi Fillon, a pour but d’émettre des avis sur le socle commun de connaissances à maîtriser en fin de troisième, et de se prononcer sur la formation des enseignants. Lafforge, âgé de 39 ans, est un mathématicien-chercheur , médaillé Fields 2002 : une tête. Un mois après avoir été désigné, il écrit au président du HCE une lettre qui sera rendue publique : “Je suis arrivé à la conclusion que notre système éducatif public est en voie de de destruction totale. Cette destruction est le résultat de toutes les politiques et de toutes les réformes menées par tous les gouvernements depuis la fin des années 1960. Ces politiques ont été& inspirées par une idéologie qui consiste à ne plus accorder de valeur au savoir, et qui m^le la volonté de faire jouer à l’école en priorité d’autres rôles que l’instruction.” Quelques jours plus tard, le dangereux rebelle est prié de démissionner pour “propos violents” contre l’Éducation nationale. L’enseignement fait naufrage, mais il n’est pas moralement correct de le faire remarquer.

(p. 104-105)

Que représentent les syndicats “représentatifs” ? Toutes organisations confondues, le taux de syndicalisation ne dépasse pas 7% des salariés. Sur une population de 24 millions d’actifs, les effectifs des trois principales centrales réunissent moins de 1,2 millions de personnes. La réalité syndicale, de plus est un miroir déformant : alors que quatre actifs sur cinq travaillent pour une entreprise privée, les deux tiers des syndiqués viennent du secteur public. Aveu d’un syndicaliste : “Nous représentons les salariés qui ont le moins besoin d’être protégés.”

(p. 112-113)

Les Français vivent sur leur capital, sans voir qu’il fond jour après jour. Au même moment, en Orient, en Asie ou en Europe de l’Est, des nations émergent sur la scène mondiale bouleversent la donne. Maintenant, 85% des produits de consommation courante sont importés de Chine. Même les plus improbables: une jolie lampe provençale, une guirlande de Noël ? Elles portent l’étiquette made in China. Aucun article vendu aux Galeries Lafayette n’est fabriqué en France. Il ne sert à rien de maudire le plombier polonais : lui, il bosse. Nous ne résisterons pas à l’assaut de pays où les salaires sont inférieurs, et où il n’y a pas de grèves ou de syndicats bloquant toute évolution, si rien ne modifie notre organisation économique et sociale.

“Ce sont des habitudes collectives qu’il faut changer”, conclut le rapport Pebereau. Pour réduire la dépense publique, tout le monde devra s’y mettre : les politiques qui sacrifient au cour terme par souci électoral, les corporations qui ne voient que leurs intérêts, et tous les Français collés à leurs avantages acquis. Pour produire plus, les freins à l’initiative devront être desserrés. Pour embaucher plus, le droit du travail devra être assoupli. Pour retrouver de la croissance, la pression fiscale devra diminuer.

Rien de devrait être tabou, des statuts de la fonction publique ou de l’âge de la retraite, du monopole de la Sécurité Sociale ou du RMI. Entre la rigidité aveugle à la française et la flexibilité sauvage à l’américaine, estime Michel Godet, il reste à inventer une “flexibilité à visage humain, avec un marché” du travail fonctionnant comme un vrai marché, et des individus payés en fonction de leur compétence”.

(p. 145)

Le 14 novembre 2005, lors de la crise des banlieues, Jacques Chirac s’adresse au pays, expliquant qu’il faudra désormais faire d’énormes efforts pour accepter et “assumer la diversité française”. En clair, comment le député UMP Pierre Bédier, il a dit aux Français qu’ils devaient cesser de confondre intégration et assimilation, et qu’ils allaient devoir vivre avec des populations qui ont un mode de vie et une culture différents.”

Fodé Sylla, politicien de gauche, affirme que “la République blanche, c’est fini”. Valérie Pécresse, à l’époque porte-parole de l’UMP, le confirme : “Notre avenir ? Une société métissée.” Une société métissée ? Si l’on veut dire par là que la nationalité française ne tient pas à mla couleur de la peau, c’est une évidence, et c’est même le fruit de l’histoire coloniale du pays – qui n’a pourtant pas bonne presse de nos jours. Mais en l’occurrence, il ne s’agit pas de cela. Le métissage dont il est fait ici l’éloge, c’est le droit reconnu aux identités communautaires de revendiquer leur particularisme, récusant ipso facto la notion de creuset national. On parle d’assurer la promotion des “minorités visibles”, notamment à la télévision. Quand une chaîne recrute un présentateur noire, est-ce le fait qu’il soit noir qui compte ou qu’il exerce son métier avec talent ? Utiliser ce critère ethnique alors que le racisme est sans cesse stigmatisé c’est une étrange contradiction.

Le fond de l’affaire, c’est que la communauté nationale s’efface, remplacée par une juxtaposition de communautés, dotées chacune de sa culture. “Pour de nombreux habitants de ca pays, tonne Max Gallo, il n’y a plus d’histoire de France, c’est-à-dire de mémoire partagée, assumée tel un héritage par tous ceux qui, un jour, sont devenus citoyens français. Ce qu’ils veulent imposer à tous, ce n’est pas l’histoire de France, mais leur histoire en France. “Le passé est ainsi instrumentalisé : l’histoire de l’esclavage ou de la colonisation, par exemple, n’est plus une histoire commune à tous les Français, devant être exposé”e comme telle, mais devient le prétexte à l’affirmation de mémoires tournées contre la France.

Si la culpabilité est héréditaire, le statu de victime l’est autant, donnant droit à des réparations que l’État devrait nécessairement satisfaire, en commençant par abaisser ses frontières afin de se faire pardonner les “crimes” du passé. Le mouvement des “Indigènes de la République”, en 2005, le déclare sans ambages : “Nous sommes ici chez nous, que l’on ait ou non la nationalité française, dans un pays où chacune et chacun doit jouir des mêmes droits, sans obligation de se fondre dans une quelconque identité majoritaire.

(p. 155)

Que fait notre société pour que les nouveaux venus aient envie de l’aimer ? Quand l’époque susurre que la France est un pays méprisable, dont le passé forme une succession de crimes, quel modèle offrons noua à admirer ? “L’intégration des immigrés est notre obligation, observe Alain Finkielkraut. Mais on n’intégrera jamais des gens qui n’aiment pas la France dans une France qui ne s’aime pas.” Pour franciser les immigrés, il faudra donc refranciser les Français.

(p. 206-207)

En décembre 2007, en visite au Vatican, Nicolas Sarkozy prononce un discours où il rappelle que “les racines de la France sont essentiellement chrétiennes”, insistant sur “ce lien particulier qui a sis longtemps uni notre nation à l’Église”. Le propos du chef de l’État fait alors scandale chez les intégristes de la laïcité. C’est pourtant un fait historique que la France a été façonnée par le christianisme. La dignité de la personne, l’égalité entre l’homme et la femme, le respect d’autrui, la solidarité envers les faibles, le sens du pardon, toutes ces valeurs sont issues des Évangiles. Croyants ou non, si nous voulons redonner de la cohésion à notre société, nous ne ferons pas l’économie de nos racines chrétiennes.

Quatrième de couverture

Les bouleversements survenus dans les années 1960-1980 ont profondément modifié les mentalités. Les principes de la morale traditionnelle ont laissé la place au “moralement correct”, les valeurs communes aux intérêts individuels. Se pose alors la question : peut-on encore vivre ensemble ?

Tous les Français, naguère, étaient élevés selon des valeurs identiques. Il existait une France de gauche et une France de droite, une France laïque et une France chrétienne, mais la morale de l’instituteur ressemblait à celle du curé.

A partir des années 1970, sous l’effet d’une double révolution – celle de la société et celle des idées –, chacun a pris l’habitude de définir ses propres critères du bien et du mal. Le résultat, aujourd’hui, c’est que les règles collectives s’effacent, ouvrant la porte à une société éclatée, où le seul guide est l’intérêt personnel. Une tendance encouragée par le moralement correct qui prêche le principe de plaisir, le droit à la différence, le devoir de tolérance, la transgression des traditions, la relativité des conventions.

Mais peut-on vivre sans valeurs partagées ? Pour sortir de la crise qui se manifeste des banlieues à l’école, de l’Etat à la famille, du travail à la culture, il faudra bien réinventer des codes communs.