Vladimir Zazoubrine – Le TchĂ©kiste

« Le tchĂ©kiste », deuxiĂšme roman de Vladimir Zazoubrine, a Ă©tĂ© Ă©crit en 1923, mais n’a Ă©tĂ© publiĂ© en Russie qu’en 1989. L’auteur, nĂ© en Russie en 1895 a Ă©tĂ© fusillĂ© en 1937, lors des Grandes Purges ordonnĂ©es par Staline.

La TchĂ©ka Ă©tait la police politique crĂ©Ă©e lors de la RĂ©volution russe de 1917 : l’ancĂȘtre du KGB, puis l’actuel FSB. La TchĂ©ka Ă©tait chargĂ©e de la rĂ©pression des opposants de la RĂ©volution, dont l’auteur se rĂ©fĂ©rait par « Elle » : les « ennemis du peuple ».

Le personnage principal, Sroubov, est le prĂ©sident de la GoubthĂ©ka, la TchĂ©ka locale. Il Ă©tait chargĂ©, entre autres choses, d’une part, d’interroger et dĂ©cider de la mise Ă  mort ou pas de ceux qui Ă©taient arrĂȘtĂ©s comme des opposants de la RĂ©volution et, d’autre part, d’organiser, ĂȘtre prĂ©sent et s’assurer du bon fonctionnement des exĂ©cutions.

Le livre commence par prĂ©senter une sĂ©ance d’exĂ©cutions. Les prisonniers arrivent et attendent le moment dans la Cave 1, puis sont « traitĂ©s » par groupe de cinq selon une procĂ©dure trĂšs prĂ©cise avec une balle dans la nuque. Puis une sĂ©rie de situations oĂč Soubrov va, petit Ă  petit, se poser des questions : le conflit entre l’idĂ©ologie et la rĂ©alitĂ© humaine.

Les tchĂ©kistes sont tous des fanatiques qui placent l’idĂ©al de la RĂ©volution (Elle) au-dessus de tout. A tel point que Ika Katz, un ami de Soubrov de longue date a Ă©tĂ© chargĂ© de condamner et exĂ©cuter le pĂšre de Soubrov, qui n’a rien trouvĂ© Ă  dire. Ika fini par venir faire partie de l’Ă©quipe de Soubrov et finira par le remplacer et, Ă  son tour, le condamner.

Ce roman est censĂ© se passer dans les toutes premiĂšres annĂ©es de la RĂ©volution soviĂ©tique et il m’est difficile de savoir jusqu’Ă  quel point il correspond Ă  la rĂ©alitĂ© historique. Il a Ă©tĂ© considĂ©rĂ©, Ă  l’Ă©poque, trop rĂ©aliste, d’oĂč l’interdiction de publication.

La lecture, si l’on fait abstraction du contexte historique, laisse l’impression de s’agir d’une dystopie similaire Ă  1984 de George Orwell. C’est d’ailleurs suggĂ©rĂ© dans la quatriĂšme de couverture. Comme dans 1984, tous ceux qui n’adhĂšrent Ă  l’idĂ©ologie de la RĂ©volution risquent de payer de leur vie.

Citations

QuatriĂšme de couverture

Dans une ville de SibĂ©rie, un responsable de la TchĂ©ka – la police du rĂ©gime bolchevique – accomplit son « travail » de bourreau. Pour servir la RĂ©volution, il participe jour aprĂšs jour Ă  l’atroce procĂ©dure des interrogatoires, des procĂšs sommaires et des exĂ©cutions anonymes dans la pĂ©nombre d’arriĂšre-cours. Le tchĂ©kiste a pour mission d’éliminer tout opposant, rĂ©el ou supposĂ©. Il ne s’attend pas Ă  ce que l’horreur le rattrape.

Évoquant les Ɠuvres de Kafka et d’Orwell, ce roman est Ă  tous Ă©gards exceptionnel. Écrit par un des jeunes espoirs de la littĂ©rature soviĂ©tique en 1923, longtemps interdit de publication, il fait revivre la Terreur rouge avec une violence et une puissance d’évocation inouĂŻes.

« En lisant Zazoubrine, on songe Ă  un autre maĂźtre dans le domaine du sarcasme politique : Vladimir LĂ©nine. Et surtout Ă  son style tĂ©lĂ©graphique, tel que Dos Passos ou Hemingway n’auraient mĂȘme pu en rĂȘver. » Dimitri Savitski