Gilles Kepel – Holocaustes
Gilles Kepel est un professeur universitaire, politologue, spécialiste du monde arabe contemporain et de l’islamisme radical. Il s’intéresse à ce sujet depuis les années 70, lors de sa thèse de doctorat.
Holocaustes, au pluriel ! Deux catastrophes ! La première est le pogrom commis par le groupement terroriste Hamas en Israël le 7 octobre 2023, quand un peu plus de 1100 personnes ont été sauvagement assassinées et environ 250 prises en otages. L’autre catastrophe résulte de la réaction d’Israël qui a causé, au moment de l’écriture du livre (vers janvier 2024), la mort d’approximativement 25.000 palestiniens (selon Hamas), entre terroristes et civils, le Hamas utilisant les civils comme des boucliers humains.
Après ce pogrom, le plus important depuis la Shoah, la réaction d’Israël était prévisible, avec le but affiché d’anéantir le groupe terroriste et de récupérer les otages, si possible encore vivants. Par ailleurs, L’OLP a critiqué la naïveté du Hamas qui n’a pas anticipé la réaction d’Israël, réaction qui ne pouvait pas être autre.
Le but de ce livre est d’analyser ce qui est en train de se passer du point de vue géopolitique. Ainsi, tout l’historique du conflit est, à juste titre, laissé de côté. Il s’agit d’un conflit très complexe, qui dure depuis la fin du XIX siècle, et dont le traitement exigerait beaucoup plus de pages que ce livre lui-même, ne satisferait pas les adeptes d’un côté ou de l’autre et risquerait même de noyer le sujet de l’ouvrage. Donc, c’est un choix pertinent. Il y a beaucoup d’ouvrages traitant de l’historique, dont une partie est biaisée par des idéologies.
Depuis l’introduction, l’auteur traite des liens du Hamas, et ses dirigeants, avec ses voisins et surtout ceux qui partagent le but de destruction d’Israël : le Hezbollah et l’Iran. C’est un but hérité des Frères musulmans.
Puis viennent les incohérences d’Israël. D’une part les aides financières apportées par Israël qui ont fini par permettre d’armer le Hamas et, d’autre part et c’est le plus important, le but de colonisation de l’extrême droite israélienne, soutien de Nétanyahou. Par ailleurs, Nétanyahou avait déplacé, vers la Cisjordanie, une partie des militaires qui étaient affectés à la défense d’Israël : c’est cette brèche qui aurait été utilisée par le Hamas.
La suite de l’ouvrage est très intéressante. Il s’agit de l’interaction et soutien des pays du BRICS+ qui semblent s’opposer aux pays de l’Occident. Au Brésil, Lula et son parti pratiquent un antisémitisme décomplexé au point où il est maintenant une « personne non grata » en Israël. L’Iran est un allié du Hamas. L’Afrique du Sud est à l’origine d’un procès contre Israël pour génocide : on peut probablement critiquer Israël, mais il ne parait pas, pour le moment, exister un génocide. La Chine a fait la médiation d’un accord entre le Hamas et le Fatah. La Russie, Poutine, reçoit une délégation avec des membres du Hamas. A cela s’ajoute des hurlements que l’on entend dans d’autres pays : « Du Jourdain jusqu’à la mer ».
Beaucoup d’événements depuis l’écriture de l’ouvrage. Ce livre mérite une actualisation dans quelque temps, mais pour le moment où il a été écrit, il s’agit d’une très bonne source d’informations pour comprendre, du point de vue géopolitique.
La table de matières :
- 1. La razzia du 7 Octobre
- Les contradictions d’Israël
- Géopolitique d’un massacre
- Haro sur l’Occident
- Épilogue
Citations
(p. 152)
Les enjeux symboliques sont donc majeurs, au moment où le référent de l’Occident en matière de droits humains et sa capacité morale à les définir et à les énoncer se voient récusés par la coalition des BRICS+. Pour ces derniers, dominés par les régimes illibéraux, la lutte contre les États-Unis, l’Europe et leurs alliés passe par une offensive qui ruine en valeur l’éthique occidentale – accompagnement de leur poids croissant dans l’économie internationale et de leur aspiration à l’hégémonie de demain. En 2022, pour la première fois, les cinq membres des BRICS ont dépassé de peu les États du G7 dans leur part du PIB mondial. En 2024, avec cinq nouveaux adhérents, ils les distancent de manière significative.