René Maurice Dereumaux – Dans la tête d’un Asperger

C’est un témoignage, mais plus que ça. L’auteur a été diagnostiqué autiste Asperger et surdoué à l’âge de 57 ans. Ce livre a été publié en 2018, deux ans après le diagnostique.

C’est surtout ce diagnostique tardif qui m’a poussé à lire ce livre. Je voulais savoir comment il a vécu autant de temps, et ses difficultés, sans le savoir. Ou, au moins, sans avoir la certitude qu’il y avait quelque chose de différente en lui.

L’auteur est né en 1959. L’expression “autiste Asperger”, dont les premiers rapports ont été fait le Dr. Asperger dans les années 40 dans des cliniques nazies. n’a été diffusé qu’à partir du début des années 80 par Lorna Wing, psychiatre américaine – son fils en était un. L’auteur avait 22 ans, mais le temps que ceci soit diffusé partout, il a vécu sans le savoir, comme beaucoup d’autres.

Ce n’est qu’à partir d’un cycle de conférences qui, par hasard, parlaient de ce syndrome qu’il s’est identifié avec le personnage décrit par le conférencier.

Le style reflète bien sa pensée (d’où le titre), comme s’il écrivait au fur et à mesure que les idées lui passent par la tête. Avec un humour très intelligent et parfois même décapant. Il aime beaucoup les jeux de mots et démontre une culture générale extrêmement riche.

Il parle de ses difficultés sans toutefois se considérer une victime ou faire du militantisme. Des difficultés qu’il a affronté toute sa vie aussi bien professionnelle que personnelle.

Peut-être que l’on peut dire qu’il a eu de la chance. Au moment de l’écriture, il était déjà marié depuis 34 ans (donc depuis l’âge de 23 ans) avec une épouse aimante qui l’a toujours soutenu, même sans comprendre. Ce livre est, d’ailleurs, une forme de déclaration d’amour et de remerciement. Tous n’ont pas cette chance.

Tout en reconnaissant la différence des difficultés entre les autistes sans déficience de langage (les Asperger) et les autres, l’auteur délivre un message optimiste d’espoir. Avoir un environnement favorable et un diagnostique assez précoce sont des atouts importants pour une vie réussie pour les autistes Asperger.

Il n’est pas inutile de mentionner que l’auteur est diplômé de HEC et est titulaire d’un mastère en diplomatie et d’un doctorat en sciences de gestion.

En plus de celui ci, il est l’auteur de deux livres pour enfants et un livre sur l’organisation internationale de la francophonie.

De ma part, je trouvé ce livre bien plus intéressant que “Dans ta boule !” de Julie Dachez, un livre beaucoup plus vindicatif et militant. Julie Dachez ne me semble pas avoir la même maturité intellectuelle et notion de réalisme que René Maurice Dereumaux.

Citations

(p. 40)

Chez l’autre existe parfois le même jeu. Il a découvert une bizarrerie me concernant et sous couvert d’éducation, il préfère l’ignorer. M’ignorer. Les autistes non-Asperger ne connaissent pas trop ce souci, étant très vite répertoriés par les Neurotypiques. Pour eux la situation est plus claire, plus nette. À ce sujet, n’est-il pas choquant de comparer les autistes et les autistes de type Asperger en intégrant une échelle qui qualifierait l’une de haut niveau ?

Et l’autre ?

Honteusement ridicule…

(p. 107)

Mais que faire désormais de ce diagnostic ?

D’abord éviter de tomber dans une naïveté navrante qui consisterait à penser qu’il suffit que le mal soit nommé pour qu’il n’existe plus. Le diagnostique n’explique pas tout. Il ne résout pas tout non plus.

Plutôt me souvenir de William Shakespeare qui suggère dans les “Joyeuses Commères de Windsor”, (acte V, scène V): “What cannot be eschwe’d must be embrac’d…”

Ne pouvant échapper à ce syndrome qui est en moi, qui est moi, il ne me reste plus qu’à espérer:

  • – Embrasser ce que je suis au fond, dans mes fondations, fondements, fondamentaux, un Asperger. Le verbeterme embrasser étant à prendre dans une définition figurée et non dans le sens de baisoter !
  • – Obtenir le pardon de toutes celles et tous ceux que j’ai pu blesser même si très souvent ce fut essentiellement par cette maladresse qui est une de mes signatures les plus marquantes !
  • – Me modester mais sans trop me molester…
  • – Prendre durablement conscience de la relativité de mes soucis.
  • – Être dans l’acceptation de la situation.
  • – Amateur d’autos, essayer de jouer un peu avec celle de la dérision plutôt qu’inlassablement avec celle de la critique…

Bien évidemment cette prise de conscience n’est pas si soudaine, mais correspond plutôt à un long processus de maturation qui fait suite à un questionnement existentiel, qui me caractérise depuis si longtemps ! Le diagnostic se révélant le catalyseur.

Quatrième de couverture

“J’ai l’impression de vivre différemment de l’autre. De l’image d’être différent qu’il me renvoie. Que je ressens à force… Avec force… J’imagine cet autre vivant dans une sorte de rêve, évoluant dans une langue étrangère. S’il habite dans un dream, je suis habité par un drame. Les mêmes lettres; un peu chamboulées; et à cause de cette anagramme, vous basculez dans un environnement totalement différent. Incompréhensible drôle, cauchemardesque…”

En 2016, à l’âge de 57 ans, René Maurice Dereumaux est diagnostiqué autiste de type Asperger. Bénéficiant d’une surdouance révélée simultanément, l’auteur a dû porter ce handicap toute sa vie sans le savoir.

Dans ce document rare et précieux, il nous confie comment ce syndrome l’habite corps et âme depuis sa plus tendre enfance. Avec originalité et un humour décalé, il nous fait pénétrer dans sa tête, nous dévoilant ses pensées les plus profondes, son amour pour les lettres, les mots, les chiffres. Son obsession pour les voitures.

Diplômé d’HEC (E.99), titulaire d’un doctorat en sciences de gestion ainsi que d’un mastère en diplomatie, René Maurice Dereumaux est marié depuis trente-quatre ans, il a un fils. Il vit dans le sud de la France.