François Kersaudy – La liste de Kersten

Les Justes parmi les nations . Ce sont les gens qui ont protégé ou sauvé des Juifs lors de la deuxième guerre, souvent risquant leur propre vie. Ils sont très nombreux, mais il y a quelques uns qui se détachent du lot par la quantité de personnes sauvées.

On connaît tous la “Liste de Schindler“, un livre écrit par Thomas Keneally, porté au cinéma. Oskar Schindler a sauvé de l’ordre de 1200 juifs.

Mais Felix Kersten a sauvé beaucoup plus, estimé à 100.000 dont 60.000 Juifs. Cette histoire avait déjà été raconté par Joseph Kessel dans le livre “Les mains du miracle”, suite à des rencontres entre l’auteur et Kersten. La différence avec celui-ci est que Kersaudy a fait un travail d’historien avec des recherches approfondies et plusieurs sources.

Felix Kersten a été un médecin de nationalité finlandaise qui exerçait son métier entre Berlin et La Haye. Son spécialité était le massage qu’il appelait “thérapie phisio-neurale”.

Début 1939, un de ses patients lui demande d’aller voir Heinrich Himmler qui souffrait des crampes de estomac très douloureuses et dont aucun médecin n’arrivait pas à soulager. En effet, il semblerait que la cause des maux de Himmler était le stress causé non seulement par l’ambiance de guerre mais aussi par la mésentente avec les autres membres du gouvernement nazi : Goebbels, Goêring, … En effet, la méthode de Kersten a montré son efficacité dès la première consultation et séance de massage. Il est alors devenu le médecin attitré de Himmler, à sa disposition. Kersten devait même l’accompagner lors de ses déplacements plus longs.

En fait, Kersten recevait de listes de personnes à sauver ou libérer, le nombre variait entre quelques uns à une centaine. Ces listes venaient, au départ, du Pays Bas. Kersten profitait des séances de massage pour convaincre Himmler de faire des gestes vers les personnes des listes. Himmler accédait quasiment à chaque fois. Il faut comprendre que Kersten avec un grand pouvoir de persuasion ou manipulation.

À la fin de la guerre, après 1944, les chiffres ont beaucoup augmenté et il s’agissait surtout de sauver des gens qui étaient internés. Ces dernières demandes venaient surtout de la Suède. Himmler a même désobéit l’ordre de Hitler de dynamiter les camps de concentration : un d’entre eux était Bergen-Belsen où Simone Weil était internée. Juste après la guerre le mérite de l’intervention de Kersten a été accaparée par le Comte Bernadotte, un suédois, qui a même tout fait pour que la nationalité suédoise ne soit pas accordée à Kersten. Ce n’est qu’en 1953 que le mérite de tout ça a été accordé à Kersten. Mais, les Juifs, dès la fin de la guerre avaient déjà attribué le titre de Juste parmi les Nations à Kersten.

Mais un point très intéressant de ce livre est sur une autre facette de la personnalité de Himmler (voir citation de la page 214). C’était, sans aucun doute, un antisémite, terrible. Il a assisté personnellement et impassible des exécutions en passe aussi bien par balle que dans les chambres à gaz. En tant que patron de la Gestapo et des SS il était le plus haut responsable de la Solution finale. Et pourtant, Kersten a été capable de lui convaincre de faire des gestes humanistes envers les Juifs. Je ne crois pas que cela aurait pu marcher avec, par exemple, Reinhard Heydrich. Il était peureux et essayait autant que possible de faire faire. Ça confirme peut-être la thèse de Hannah Arendt, de la banalité du mal. J’ai lu beaucoup sur des événements auxquels il a participé mais pas, encore, sa biographie. Ce livre m’incite de le faire.

Livre très facile à lire. Peut-être trop détaillé, mais c’est de l’histoire et cela est sans doute nécessaire.

Citations

(p. 214)

Kersten n’a menti que partiellement à Wulff en décrivant Himmler comme “aimable et sympathique” : c’est une face du Reichsführer qu’il connaît bien, celle de l’hôte parfait, du joyeux convive, du bon père de familles*, de l’ami des animaux, du passionné d’histoire médiévale, des religions et des sciences occultes. Mais il connaît aussi les faces les plus sombres de l’exécutant servile, de l’idéologue fanatique, du politicien retors, du fonctionnaire besogneux, du satrape craintif, du militaire par procuration, du potentat indécis et du bourreau implacable – l’ensemble se confondant toujours et se contredisant souvent. “J’ai remarqué, écrira Kersten en observateur attentif, que non seulement Himmler avait peur des hauts personnages du parti, mais qu’en outre il avait très peu de pouvoir sur eux. Il était disposé à leur faire d’amples concessions pour éviter les conflits et les ruptures. […] Il avait souvent le mot de l’histoire à la bouche. Pas un instant il ne doutait du fait que sa place était assurée au panthéon des célébrités : il pouvait manquer d’assurance de son vivant, mais il était absolument sûr d’être honoré après sa mort. […] Il faisait en sorte de se tenir dans l’ombre et de laisser agir les autres ; mais cet être rusé était passé maître dans l’art d’utiliser les faiblesses de ses adversaires et de les monter les uns contre les autre. Avec toutes ses limites, il pouvait aussi être honnête : une fois qu’il avait donné sa parole, il la tenait. L’honneur, l’histoire, le Führer et la camaraderie – ltels étaient ses grands slogans”.

Quatrième de  couverture

Tout le monde en France connaît l’histoire d’Oskar Schindler, qui a sauvé un millier de juifs durant la Seconde Guerre mondiale. Mais on connaît beaucoup moins l’exploit de Felix Kersten, et pourtant, un mémorandum du Congrès juif mondial établissait dès 1947 que cet homme avait sauvé en Allemagne « 100 000 personnes de diverses nationalités, dont environ 60 000 juifs, […] au péril de sa propre vie ». Encore, à l’issue du récit qui va suivre, de tels chiffres sembleront-t-il passablement sous-évalués.

Un des ouvrages les moins connus et les plus émouvants de Joseph Kessel s’intitule Les mains du miracle. Ce roman retraçait déjà l’exploit du thérapeute d’Himmler qui se faisait rémunérer en libérations de juifs et de résistants sans que le lecteur puisse toujours distinguer la part de Kessel de celle de Kersten. Pour reconstituer la véritable histoire au travers des archives, des mémoires, des journaux, des notes et des dépositions des principaux protagonistes, il fallait un historien spécialiste de la Seconde Guerre mondiale, qui connaisse également l’allemand, l’anglais, le suédois, le norvégien, le danois et le néerlandais. Le résultat est un récit de terreur, de lâcheté, de générosité, de fanatisme et d’héroïsme qui tiendra jusqu’au bout le lecteur en haleine. Combien de fois dans l’existence rencontre-t-on un périple de cette envergure – sans un mot de fiction ?

Le professeur François Kersaudy, qui a enseigné aux universités d’Oxford et de Paris I, est connu en France pour ses ouvrages sur Winston Churchill et sur le général de Gaulle. Mais il est également l’auteur d’une biographie du maréchal Goering qui fait autorité, ainsi que du best-seller Les secrets du Troisième Reich. Historien polyglotte, il parle neuf langues et a reçu douze prix littéraires français et étrangers.