Arnaud de la Croix – L’Érotisme au Moyen Âge
Petit livre intéressant qui m’apprends les habitudes de la société en ce qui concerne l’érotisme et quelques pratiques sexuelles.
D’abord les classes plus élevées, la noblesse, … on pratiquait le « amour courtois ». L’époque des troubadours… Un jeu de séduction par des chansons ou des poèmes ou des lettres, où les cibles étaient souvent des femmes mariées. Aucun scrupule à les séduire.
L’adultère n’était même pas condamné. Le mariage était plutôt destiné à donner aux époux une situation sociale et à la procréation. La notion d’amour entre homme et femme n’était pas celui d’aujourd’hui, qui par ailleurs on ne sait toujours pas ce que c’est…
Ce jeu de séduction était souvent très long, avec des contacts physiques intermédiaires, des attouchements réciproques, sans aller jusqu’au bout.
Dans les classes populaires, l’époque des « fabliaux », des écrits obscènes qui pourraient ressembler à ceux de Guillaume Apollinaire – des mots crus (con, vit, …). Mais les fabliaux ne parlent pas d’amour mais d’ardeur amoureuse s’inscrivant toujours dans un scénario, ressemblant une fable ou une leçon.
L’auteur compare les fabliaux et la pornographie d’aujourd’hui ne les mettant pas dans le même plan. La différence première est l’absence d’histoire dans la pornographie, ou juste un minimum pour justifier une suite interminable de pénétrations, alors que dans les fabliaux, il y a un peu plus de contexte et de sensualité dans les actes.
C’est un livre exigeant un peu d’effort de lecture (l’auteur est unphilosophe) mais dont le « jeu en vaut la chandelle ».
Citations
(p. 11)
Parler d’érotisme au sujet de ces dix siècles, du Ve au XVe, qu’on a l’habitude de nommer médiévaux, c’est, disons-le pour commencer, commettre un anachronisme linguistique.
Le mot, dérivé du grec Éros, nom du dieu de l’amour et du désir, n’apparaît pas au Moyen Âge. C’est, en langue française, une création du milieu du XVIe siècle, qui ne prendra le sens contemporain de ce qui a trait au plaisir et au désir sexuel qu’à la fin du XVIIIe.
Mais ce que terme évoque se développe largement pendant le millénaire que compte le Moyen Âge.
(p. 70)
Enfin, lorsque, au bout de l’échelle sociale, le dialogue final fait s’affronter un grand seigneur et une dame de la haute noblesse, il s’avère tout à coup que le grand seigneur en question n’est autre… qu’un clerc : « Si je demande à une femme de m’aimer elle ne peut me repousser sous prétexte que je suis un homme d’Église; bien plus, je vous prouverai de façon irréfutable qu’il vaut mieux aimer un clerc qu’un laïc (…) car on sait que rien n’est plus nécessaire sur cette terre que d’être versé dans la technique de tout ce qui touche à l’amour. »
(p.117)
« Elle commence à le lisser;
Rosette le prend dans les mains,
sans en concevoir mille malice.
Doucement elle l’étreint et le masse,
et le vit dresse le cou dans sa main. »
Douin de Lavesne, « Trubert », trad. L.Rossi, p501
(p. 122-123)
Cette littérature du peuple médiéval peut donc témoigner de la conception de la sexualité que se faisait ce peuple, loin des prescriptions théologiques ou des raffinements de l’amour courtois. N’en déplaise au clerc André Le Chapelain, qui déconseillait d’initier les paysans à l’art d’aimer, la sexualité des vilains, à lire les fabliaux, les préoccupe tout autant qu’elle travaille les guerriers… ou les clercs. L’adultère est de mise, ici aussi, mais parce que les jeunes valets et surtout les prêtres apparaissent plus disponibles et plus amoureux que bien des maris. Sans parler de la taille de leur sexe : « Il y a plus grand que vous n’avez et plus gros, sachez-le bien! », fait remarquer l’épouse de maître Picon à ce dernier.
(p. 143)
Les libertins du XVIIIe siècle, Sade en tête, confondent sexualité et agression : ce n’est jamais que la conquête ovidienne de la proie par son séducteur, revisitée jusqu’à ses ultimes conséquences.
Quatrième de couverture
Moyen âge et érotisme : les deux termes paraissent contradictoires. Ils ne le sont pas. La civilisation médiévale, taxée à tort d’obscurantisme, fut extrêmement inventive dans les domaines du désir et de la sexualité.
À la fin du XIe siècle, les premiers troubadours chantent la sensualité, la femme, l’adultère, et influencent progressivement les comportements amoureux en Occident, en rupture avec l’héritage antique. Au XIIIe siècle, le Roman de la Rose signe avec éclat la fin du grand rêve courtois et, dans les fabliaux, le sexe s’affiche crûment. Nombre de sculptures figurent l’obscénité, tandis que les rites carnavalesques évoquent une sexualité pulsionnelle, liée à des traditions populaires très peu chrétiennes. En définitive, l’érotisme médiéval, riche et contrasté, ne cesse de nous surprendre et de nous interroger. C’est un grand et beau sujet dont l’histoire n’avait jamais été écrite.