Christopher R. Browning – Des hommes ordinaires : Le 101e bataillon de rĂ©serve de la police allemande et la Solution finale en Pologne

Ce livre est devenu un classique parmi ceux parlant des bourreaux de la Shoah.

Dans la mise en place, contact direct avec les victimes, on trouve plusieurs groupes d’exĂ©cuteurs : les administrateurs des camps de mise Ă  mort (Rudolf Hoss ou Franz Stangl), les barbares des divisions SS telles Das Reich qui rasaient des villages entiers (comme Ă  Oradour sur Glane) les Einsatzgruppen, qui formaient les pelotons d’exĂ©cution (Shoah par balle) ou encore des brigades SS comme la Dirlewanger, des barbares recrutĂ©s parmi des voyous.

Ce livre traite d’encore une autre catĂ©gorie de tueurs : un bataillon formĂ©e par des policiers de rĂ©serve. Des hommes dont le boulot Ă©tait ceux de la police courante, sont venu complĂ©ter les besoins de la Wehrmacht et de la SS dans les territoires occupĂ©es Ă  l’Est. Des jeunes recrues et des policiers plus ĂągĂ©s (presque dans la cinquantaine) qui n’avaient reçu aucune formation au prĂ©alable. Lors de leur premier massacre, Ă  Jozefow, ils se sont dirigĂ©s vers un village Ă  « nettoyer » sans savoir exactement quelle serait leur tĂąche. AprĂšs une brĂšve information et formation sur le champ, un mĂ©decin leur a expliquĂ© comment faire pour tirer une balle dans la nuque des victimes de façon Ă  ce que la mort soit quasiment immĂ©diate. Certains on pu s’Ă©clipser dĂšs le dĂ©part mais d’autres ont pris goĂ»t. D’oĂč le titre « Des hommes ordinaires », puisque une bonne partie d’entre eux avaient dĂ©jĂ  des professions qui n’avait rien Ă  voir avec la carriĂšre militaire ou de police.

Le travail historique est basĂ© surtout sur l’analyse de documents des procĂšs juste aprĂšs la guerre, mais aussi des nouveaux procĂšs qui ont eu lieu dans les annĂ©es 60. Il n’y a pas eu des interviews avec des protagonistes. L’auteur retrace le parcours entier du bataillon pendant toute la guerre avec un petit rappel de ce que sont devenus quelques uns des policiers aprĂšs la guerre.

Une tentative d’analyse visant Ă  comprendre « pourquoi » certains policiers ont franchi le pas et pris plaisir dans ces exĂ©cutions tandis que d’autres pas. Ses considĂ©rations, trĂšs approfondies, se fondent dans les idĂ©es de philosophes tels Theodor Adorno ou Zygmunt Baummann ou encore des victimes telles Primo Levi.

Un postface a Ă©tĂ© Ă©crit pour rĂ©pondre Ă  Daniel Jonah Goldhaben, un historien qui a effectuĂ© une Ă©tude Ă©quivalente sur le mĂȘme sujet avec des critiques assez virulentes aux travaux de Browning. Christopher Browning a estimĂ© utile de rĂ©pondre.

C’est une Ă©tude trĂšs rigoureuse et bien Ă©crite. Ce n’est pas pour rien que ce livre est devenu un « must read » du domaine.

Citations

(p. 119)

La premiĂšre victime d’August Zorn est un trĂšs vieil homme. Il se souviendra que celui-ci

« ne pouvais ou ne voulait marcher avec ses compatriotes, car il tombait Ă  tout bout de champ et restait simplement couchĂ© par terre. Je devais sans cesse le soulever et le pousser en avant. Mes camarades avaient dĂ©jĂ  tuĂ© leurs Juifs lorsque je suis arrivĂ© sur le site d’exĂ©cution. Àla vue de ses compatriotes Ă©tendus morts, mon Juif s’est jetĂ© sur le sol et est restĂ© couchĂ© lĂ . Alors, j’ai armĂ© ma carabine et je l’ai tuĂ© d’une balle dans la tĂȘte. Comme j’Ă©tais dĂ©jĂ  bouleversĂ© par le traitement cruel infligĂ© aux Juifs pendant l’Ă©vacuation de la ville, et trĂšs troublĂ©, j’ai tirĂ© trop haut. Tout l’arriĂšre du crĂąne de mon Juif a Ă©tĂ© arrachĂ© et la cervelle mise Ă  nu. Des morceaux de crĂąne ont volĂ© au visage du sergent Steinmetz. Cela m’a suffi. Une fois retournĂ© au camion, je suis allĂ© trouver le sergent-major, et je lui ai demandĂ© qu’il me dispense des exĂ©cutions. J’Ă©tais tellement malade que je n’en pouvais simplement plus. J’ai Ă©tĂ© relevĂ© par le sergent-major. »

Table de matiĂšres

Préface
1 – Un beau matin Ă  Josefow
2 – La police de maintien de l’ordre (Ordnungspolizei)
3 – L’Ordnungspolizei et la Solution finale : Russie, 1941
4 – L’Ordnungspolizei et la Solution finale : la dĂ©portation
5 – Le 101e bataillon de rĂ©serve de la police
6 – L’arrivĂ©e en Pologne
7 – Initiation au massacre de masse : la tuerie de Jozefow
8 – RĂ©flexions sur un massacre
9 – Lemazy : la descente de la 2e compagnie
10 – Treblinka : les dĂ©portations d’aoĂ»t
11 – Les fusillades de la fin septembre
12- Les déportations reprennent
13 – Les Ă©tranges ennuis de santĂ© du capitaine Hoffmann
14 – La « chasse aux Juifs »
15 – Derniers massacres : la « fĂȘte de la moisson »
16 – AprĂšs
17 – Allemands, Polonais et Juifs
18 – Des hommes ordinaires
Postface
Appendices

QuatriĂšme de couverture

À l’aube du 13 juillet 1942, les hommes du 101e bataillon de rĂ©serve de la police allemande entrent dans le village polonais de Jozefow. Au soir, ils ont arrĂȘtĂ© 1 800 Juifs : 300 hommes sont sĂ©lectionnĂ©s pour le travail, les autres, femmes, enfants et vieillards, sont abattus Ă  bout portant.

Les quelque 500 policiers de rĂ©serve du 101e bataillon n’avaient rien de nazis militants ou de racistes fanatiques. Ces « hommes ordinaires » ont eu, Ă  plusieurs reprises, l’occasion de s’abstenir. Ils ont, dans leur immense majoritĂ©, prĂ©fĂ©rĂ© obĂ©ir, faisant en seize mois plus de 83 000 victimes, assassinĂ©es sur-le-champ ou dĂ©portĂ©es vers Treblinka.

Analysant les tĂ©moignages de 210 anciens du bataillon, Christopher Browning retrace leur parcours, analyse leurs actions et leurs motivations, dans un des livres les plus forts jamais Ă©crits sur la Shoah et sur l’ordinaire aptitude de l’homme Ă  une extraordinaire inhumanitĂ©.