Umberto Eco – Reconnaître le fascisme
Petit livre de 60 pages qui se lit d’un trait.
« Reconnaître le fascisme » est un discours prononcé le 25 avril 1995 pour les cinquante ans de la libération de l’Europe, à l’Université Columbia.
L’auteur nous raconte son point de vue sur le fascisme se basant sur son histoire personnelle puisqu’il est né en 1932 et a vécu sa petite enfance en Italie sous Mussolini. Bien entendu, ayant fait une carrière universitaire en philosophie et sémiotique, il a pu approfondir son point de vue.
Il nous propose quatorze critères permettant d’identifier un fascisme. On peut ne pas trouver ces quatorze critères dans un système fasciste, parfois un peu moins, parfois un peu plus. On retrouve, par exemple, le populisme, le nationalisme et le totalitarisme.
Il manque, à mon point de vue, est une définition plus claire de ce que c’est le fascisme, mais on comprend que, venant juste d’une conférence… Peut-être même qu’aujourd’hui elle serait plus large. Ce mot fascisme est devenu un « mot valise » dont on entend parler comme synonyme de tout ce qui vient de l’extrême droite, voir même d’une droite modérée et sert, parfois, comme un insulte.
Plus généralement, je suis dérangé par le fait qu’on parle beaucoup du totalitarisme de l’extrême droite alors qu’on parle moins, ou quasiment pas, de celui d’extrême gauche, qui me semble aussi dangereux. Parmi les critères de Umberto Eco, on trouve l’antisémitisme, aujourd’hui plus fort à l’extrême gauche qu’à l’extrême droite.
L’extrême droite semble plus claire dans ses intentions, elle les met dans leur programme, alors que l’extrême gauche présente un visage humaniste, en apparence, avec des promesses intenables. On parle beaucoup de démocratie. Donc, je me méfie énormément. …
Il manque de livres parlant spécifiquement du totalitarisme dans certains partis de gauche.
Finalement, je pense que les extrêmes sont toujours dangereux, que ce soit à droite comme à gauche.
Citations
(p. 43)
Le terme fascisme s’adapte à tout parce que même si l’on élimine d’un régime fasciste un ou plusieurs aspects, il sera toujours possible de le reconnaître comme fasciste. Enlevez-lui l’impérialisme et vous aurez Franco et Salazar; enlevez le colonialisme et vous aurez le fascisme balkanique. Ajoutez au fascisme italien un anti-capitalisme radical (qui ne fascina jamais Mussolini) et vous aurez Ezra Pound. Ajoutez le culte de la mythologie celte et le mysticisme du Graal (totalement étranger au fascisme officiel) et vous aurez l’un des gourous fascistes les plus respectés, Julius Evola.
(p. 55-56)
13. L’Ur-fascisme se fonde sur un populisme qualitatif. Dans une démocratie, les citoyens jouissent de droits individuels, mais l’ensemble des citoyens n’est doté d’un poids politique que du point de vue quantitatif (on suit les décisions de la majorité). Pour l’Ur-fascisme, les individus en tant que tels n’ont pas de droits, et le « peuple » est conçu comme une qualité, une entité monolithique exprimant la « volonté commune », le Leader se veut leur interprète. Ayant perdu leur pouvoir de délégation, les citoyens n’agissent pas, ils sont seulement appelés, pars pro toto, à juer le rôle du peuple. Ainsi, le peuple n’est plus qu’une fiction théâtrale. Pour avoir un bon exemple de populisme qualificatif, il n’est plus besoin de Piazza Venezia ou du Stade de Nuremberg. Notre avenir voit se profiler un populisme qualitatif télé ou Internet, où la réponse émotive d’un groupe sélectionné de citoyens peut être présentée et acceptée comme la « voix du peuple ». En raison de son populisme qualitatif, l’Ur-fascisme doit s’opposer aux gouvernements parlementaires « putrides ».
Quatrième de couverture
Quatorze. Tel est le nombre des caractéristiques qui permettent de déterminer si une idéologie, un mouvement, une société sont fascistes, selon Umberto Eco. Il y a les plus évidentes : la haine de la culture, l’obsession du complot, le refus de l’étranger. D’autres, plus insidieuses, bénignes en apparence, aboutissent au même résultat si l’on n’y prend garde : la peur du langage complexe, l’idée d’un peuple doté d’une volonté propre, le fait de considérer les désaccords comme des trahisons.
Dans Reconnaître le fascisme, Umberto Eco nous donne les clefs pour débusquer les germes totalitaires dans les mouvements politiques contemporains. Ce serait tellement plus confortable si quelqu’un s’avançait sur la scène du monde pour dire: « Je veux rouvrir Auschwitz, je veux que les chemises noires reviennent parader dans les rue italiennes! » Helas, la vie n’est pas aussi simple.
Un vade-mecum indispensable pour temps dangereux.