Anne Dufourmantelle – En cas d’amour : Psychopathologie de la vie amoureuse
Psychopathologie de la vie amoureuse – c’est tout dit. Quand l’amour pose problème et que l’être soufrant s’adresse à un(e) psychanalyste.
L’auteur est (était) psychanalyste dans la mouvance freudienne et lacanienne, mais pas que ça : la philosophie et l’écriture font aussi partie de ses intérêts. Beaucoup de publications intéressantes.
Donc, le livre est une suite de chapitres traitant un large éventail de cas pathologiques : abandon et peur de l’abandon, trahison, pédophilie, inceste, portable et adultère, le « ménage à trois », … Certains sont illustrés par des sessions d’analyse probablement réels qu’elle a traité et d’autres concernent juste des réflexions.
Un traitement à la fois psychanalytique et philosophique. Du côté psychanalytique, on ne s’étonnera pas de retrouver les références usuelles à l’enfance, la mère, le père, … mais sans exagération et dans un langage bien accessible pour les non adeptes de la psychanalyse.
L’organisation de l’ouvrage (ou manque) est un peu déroutante : on entre directement dans dans un cas clinique. Les chapitres sont quasiment indépendants les uns des autres. On peut les lire sans suivre l’ordre de la table des matières. Cela fait qu’il manque un fil conducteur. Une introduction aurait été bienvenue. Il y a deux chapitres, à la fin, qui jouent plus ou moins le rôle de conclusion. C’est à mon avis, un manque. Il aurait été bien d’avoir un chapitre d’introduction permettant d’avoir, au préalable, une vue d’ensemble. Mais on peut aussi voir comme « des considérations sur… ».
A la fin, il reste une question : en fait, selon l’auteur, c’est quoi l’amour ? J’ai mis un paragraphe du dernier chapitre parmi les citations. Ça reste encore quelque chose d’indéfinissable, mais plus accessible que la fameuse phrase d’effet de Lacan – « Donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’a rien demandé » – phrase qui n’a pas vraiment de sens. Le scientifique méthodique que je suis préfère celle de Francis Wolff – Il n’y a pas d’amour parfait, une combinaison de trois composantes : désir, passion et amitié. D’autres auteurs, tels Robert Sternberg, ont posé des définitions similaires. Les formes d’amour traitées dans ce livre n’ont pas toutes ces composantes. Ce classement en composantes n’est pas encore complètement satisfaisant mais permet d’aller plus loin dans la compréhension de ce que c’est l’amour.
C’est un livre qui mérite la lecture. Sachant qu’il me semble difficile de trouver LA référence en amour. Il faut lire plusieurs livres, voire nombreux, points de vue dans des domaines variés (psychologie, philosophie, sociologie, …) pour former sa propre idée.
Citations
(p. 195)
En cas d’amour : que faire ? Axe autour duquel tourne toute vie : aimer, être aimé. Avec toutes ses déclinaisons : reconnaissance, peur d’être abandonné, morsure de la jalousie, désir de possession, envie, délivrance, haine, détachement, paix. Est-ce d’avoir été porté dans un ventre qui nous rend ainsi à la merci de ce sentiment inconstant et sauvage pour lequel nous sommes prêts à abdiquer tout le reste ? Nos secrets ont pour axe cet amour. Le malheur est que l’on veuille y faire entrer toute une vie, et concilier passion, amour et paix comme si la violence était un pur accident, la fragilité une erreur et l’ennui un handicap passager. Mais le secret qui porte le nom de l’amour est comme l’empreinte de notre propre nom, sa doublure silencieuse, son alibi. Avoir été porté par une mère, c’est avoir connu le mouvement, la fragilité, la voix, la texture même d’un autre plus intérieur à soi que soi-même, « doublure silencieuse » de notre propre soi.
(p. 198)
L’événement de l’amour est une machinerie sans objet, qui se renforce quand elle se perd, se perd quand elle se garde, échappe quand on la possède, vous dépossède de tout, quoi que vous possédiez, vous rend puissant et vous désarme définitivement. L’événement de l’amour est présent dans une analyse comme un catalyseur précieux, inévitable et impossible à maintenir comme à provoquer. Il peut seulement « advenir » de son propre mouvement et dès lors mettre en branle de telles forces en chacun de nous, que l’on soit allongé sur le divan ou seulement exposé là, face à l’autre, implorant une aide à laquelle par ailleurs on ne croit pas. Que peut une « talking cure » contre le délire amoureux, la peur d’être abandonné, les blessures d’une enfance bafouée, la jalousie qui vous torture ? La parole c’est du corps, du corps en bloc et en morceaux, des affects, des segments de vie, de mémoire, des rayures à la surface des mots, remplis comme des outres de souvenirs. J’aime l’ignorance de l’amour, sa persistance terrible en dépit de tout et son abaissement devant la moindre chose quand il est déjà mort.
Quatrième de couverture
En cas d’amour : que faire ? Axe autour duquel tourne toute vie : aimer, être aimé.
Avec toutes ses déclinaisons : reconnaissance, peur d’être abandonné, morsure de la jalousie, désir de possession, envie, délivrance, haine, détachement, paix. L’événement de l’amour est au cœur de ce livre. Depuis les histoires imaginaires que l’on se forge quand on est amoureux jusqu’au désir de vengeance de celui qui est quitté en passant par la jalousie, la fascination, la fusion amoureuse, la relation fraternelle, la dispute, le livre explore différentes figures de la passion et des blessures de l’attente amoureuse.
On y rencontre l’écoute attentive et les désarrois d’une psychanalyste recueillant dans la chambre des secrets les mots de ceux qui viennent déposer là leur espérance. On peut y lire aussi une tentative de penser ce qui nous fait répéter le même scénario et souffrir en boucle des mêmes maux d’amour.