Boris Cyrulnik – Le laboureur et les mangeurs de vent

Boris Cyrulnik est un auteur que j’apprĂ©cie beaucoup. En plus d’ĂȘtre une rĂ©fĂ©rence dans son domaine (mĂ©decin psychiatre, neurologue et psychanalyste), a plus de 80 ans il continue Ă  Ă©crire dans son domaine avec une grande luciditĂ©.

Le sujet de ce livre est simple : les laboureurs sont ceux capables de penser par eux mĂȘmes et les mangeurs de vent sont ceux qui suivent le troupeau, avalant ainsi les idĂ©es des autres.

Boris Cyrulnik s’appuie, au dĂ©part, sur son expĂ©rience personnelle pendant la guerre : un enfant juif devant se dĂ©brouiller (presque) seul puisque ses parents ont Ă©tĂ© dĂ©portĂ©s et ne sont pas revenus. Cette expĂ©rience lui a donnĂ© la force de se battre et, de penser par lui-mĂȘme. Mais il ne se limite pas Ă  son expĂ©rience, qui mĂȘme si elle revient souvent tout au long du livre, il donne plein d’exemples.

La position de “mangeur de vent” est trĂšs commode puisqu’on se fĂąche moins avec les autres. Il suffit de suivre les idĂ©es de son groupe. Par contre, ceux qui pensent par eux-mĂȘmes et osent se poser des questions sur la mouvance ambiante risquent des situations conflictuelles.

Ce livre est d’une grande actualitĂ© puisque tout est polarisĂ© Ă  l’extrĂȘme dans la sociĂ©tĂ© oĂč nous vivons : la politique, les populistes aussi bien de droite que de gauche et, plus gĂ©nĂ©ralement, tous les sujets d’actualitĂ© de la sociĂ©tĂ©. Le “politiquement correct” ne fait que pousser les gens Ă  se mettre dans la position de “mangeur de vent”, pour ne pas se fĂącher avec ses amis ou collĂšgues.

Ce livre est une bouffĂ©e d’air frais pour nous encourager Ă  devenir des “laboureurs”. Pas facile, mais intellectuellement plus satisfaisant.

Un livre facile Ă  lire mĂȘme si je pense qu’il pourrait ĂȘtre un peu plus court. C’est parfois rĂ©pĂ©titif.

Citations

QuatriĂšme de couverture

« À 7 ans, j’ai Ă©tĂ© condamnĂ© Ă  mort pour un crime que j’ignorais. Ce n’était pas une fantaisie d’enfant qui joue Ă  imaginer le monde, c’était une bien rĂ©elle condamnation. »

Boris Cyrulnik a Ă©chappĂ© Ă  la mort que lui promettait une idĂ©ologie meurtriĂšre. Un enfant qu’on a voulu tuer et qui toute sa vie a cherchĂ© Ă  comprendre pourquoi, pourquoi une telle idĂ©ologie a pu prospĂ©rer.

Pourquoi certains deviennent-ils des « mangeurs de vent », qui se conforment au discours ambiant, aux pensĂ©es rĂ©flexes, parfois jusqu’à l’aveuglement, au meurtre, au gĂ©nocide ? Pourquoi d’autres parviennent-ils Ă  s’en affranchir et Ă  penser par eux-mĂȘmes ?

Certains ont tellement besoin d’appartenir Ă  un groupe, comme ils ont appartenu Ă  leur mĂšre, qu’ils recherchent, voire chĂ©rissent, le confort de l’embrigadement. Ils acceptent mensonges et manipulations, plongeant dans le malheur des sociĂ©tĂ©s entiĂšres.

La servitude volontaire engourdit la pensĂ©e. « Quand on hurle avec les loups, on finit par se sentir loup. » Penser par soi-mĂȘme, c’est souvent s’isoler. Seuls ceux qui ont acquis assez de confiance en soi osent tenter l’aventure de l’autonomie.

Au-delĂ  de l’histoire, c’est notre prĂ©sent que Boris Cyrulnik Ă©claire.

À travers sa tragique expĂ©rience de vie, hors des chemins battus, Boris Cyrulnik nous montre comment on peut conquĂ©rir la force de penser par soi-mĂȘme, la volontĂ© de repousser l’emprise, de trouver le chemin de la libertĂ© intĂ©rieure.