Eric Alary – Nouvelle histoire de l’Occupation
On parle de l’Occupation de la France telle que vĂ©cue par les Allemands, aussi bien au niveau des soldats que du commandement. C’est le but premier de l’ouvrage.
Si l’Occupation vue par la France est dĂ©jĂ assez bien documentĂ©e, la vue des Allemands apporte peu. NĂ©anmoins, on doit reconnaĂźtre que le travail effectuĂ© par les auteurs est assez significatif.
Par contre, que peut-on dire sur l’Occupation en 500 pages ? Je pense que c’est lĂ l’intĂ©rĂȘt de l’ouvrage. Il s’agit d’une synthĂšse trĂšs bien Ă©crite couvrant l’ensemble de ce qui est important de cette phase de l’histoire.
Au lieu de suivre un ordre chronologique avec plusieurs fils conducteurs simultanĂ©s, l’ouvrage est organisĂ© par thĂšmes :
- La montée des tensions
- Les Allemands en France, une invasion korrekt
- Le diktat (le dĂ©but d’occupation)
- « Le sauveur de la France »… dans la main allemande
- Pillage allemands et quotidien en coupe réglée
- Loisirs et vie culturelle : les français en otage?
- Répressions « expiatoires » et persécutions allemandes
- Les Allemands face Ă la RĂ©sistance
- De la perte de confiance à la débùcle allemande (1944-1949)
Bref, c’est un livre trĂšs intĂ©ressant. Beaucoup d’informations bien condensĂ©es en 500 pages.
Citations
(p. 65)
Les Allemands en France, une invasion korrekt
Avant l’attaque contre la France, Hitler manifeste confiance et rĂ©solution. Il respecte cependant en partie les recommandations de ses gĂ©nĂ©raux, non certains de possĂ©der les moyens militaires suffisants pour battre les Français. En Allemagne, beaucoup n’ont pas oubliĂ© la Marne (1914), ainsi que la trĂšs longue guerre qui s’est soldĂ©e par une dĂ©faite humiliante. De leur cĂŽtĂ©, les AlliĂ©s observent l’Ă©tat du moral des Allemands. Ils sous-estiment sans aucun doute la popularitĂ© de Hitler.
La victoire aussi inattendue que rapide contre la France et la pugnacitĂ© anglaise Ă poursuivre la lutte obligent les vainqueurs Ă penser trĂšs vite Ă une occupation totale ou partielle. Les Allemands dĂ©couvrent alors la France, dont on leur a dit qu’on y mangeait bien et que l’amusement Ă©tait « roi ». Ă son arrivĂ©e, l’armĂ©e se mĂ©fie pourtant des Français et rĂšgle d’emblĂ©e leur vie dan les parties occupĂ©es. Un ordre « nouveau » est instaurĂ©, aussitĂŽt l’armistice franco-allemand entrĂ© en vigueur. Il leur faut aussi aider les rĂ©fugiĂ©s de l’exode Ă rentrer chez eux pour faire fonctionner l’Ă©conomie en zone occupĂ©e. Les soldats s’installent, tandis que les Alsaciens-Lorrains vivent l’annexion et que les habitants du Nord et du Pas-de-Calais sont rattachĂ©s d’office au IIIe Reich. IrrĂ©elles situations.
Les Français sont impressionnĂ©s par la discipline des troupes qui entrent dans les villes et les villages. Ă Paris, les Allemands rĂ©quisitionnent des centaines de bĂątiments, notamment les grands hĂŽtels. Les drapeaux français sont interdits dans l’espace public tout comme les manifestations et les rassemblements patriotiques.
(p. 133)
Le diktat
Ă la fin de juin 1940, l’Europe est en grande partie allemande. La loi du vainqueur s’impose Ă une France vaincue : des millions de Français sont sur les routes, des soldats essaient de rallier le Sud pour ne pas ĂȘtre capturĂ©s, les hommes politiques sont plus divisĂ©s que jamais. Les vainqueurs de 1918 sont invitĂ©s Ă revenir Ă Rethondes, cette fois pour se voir signifier des servitudes encore impensables quelques semaines plus tĂŽt. Hitler a pour seul but d’occuper tout le pays; la souverainetĂ© de la France ne l’intĂ©resse pas. Cependant, en attendant l’Ă©volution des combats contre la Grande-Bretagne, il tient les Français en joue avec les 24 articles de l’armistice.
(p. 179)
« Le sauveur de la France »… dans la main allemande
Le marĂ©chal PĂ©tain installe un rĂ©gime autoritaire Ă Vichy, sa prĂ©tendue capitale. La « RĂ©volution nationale » rejette la RĂ©=publique et tous ceux qui s’opposent au nouveau rĂ©gime instaurĂ© le 10 juillet 1940. Les Allemands observent ce drĂŽle de rĂ©gime, une sorte de petit « royaume mĂ©ridional » sans moyens et sans marge de manĆuvre. Une collaboration d’Ătat se construit entre Vichy et le IIIĂšme Reich, le jeu de dupes se faisant aux dĂ©pens Ă©vidents du vaincu. La fiction de la souverainetĂ© est parfaitement entretenue par la propagande, ce qui constitue pour les occupants un excellent moyen de chantage. Le marĂ©chal PĂ©tain multiplie les contradictions et les compromissions, pris dans un engrenage infernal de concessions faites aux Allemands. Certains Français, les collaborationnistes, vont plus loin encore en espĂ©rant la naissance d’une France allemande.
(p. 235)
Pillages allemands et quotidien en coupe réglée
Si la collaboration politique est en Ă©chec, la collaboration Ă©conomique est trĂšs active, sous la forme d’un pillage organisĂ©, conduisant Ă la quasi-sujĂ©tion du rĂ©gime de Vichy par une exploitation systĂ©matique des ressources françaises de part et d’autre de la ligne de dĂ©marcation. Cela passe aussi par le pillage d’Ćuvres d’art et de livres prĂ©cieux. ParallĂšlement, au quotidien, les Français souffrent de la pĂ©nurie et du rationnement. Le marchĂ© noir, qui profite essentiellement aux Allemands, finit de vider le pays de ses ressources en nourriture et en matiĂšres premiĂšres. Les nazis ont une vision globale des atouts du pays conquis qui leur permet de l’agrĂ©ger Ă la machine de guerre allemande le plus efficacement possible. DĂšs le 1er mars 1940, le ministre allemand de l’Agriculture et de l’Alimentation, membre Ă©minent des SS, Richard Walther DarrĂ©, a affirmĂ© dans un discours que le « devoir » des Allemands Ă©tait « d’organiser Ă©conomiquement les territoires conquis qui progressivement seront inclus dans le territoire allemand ».
(p. 291)
Loisirs et vie culturelle : les Français en otage ?
Toute activitĂ© artistique en zone occupĂ©e puis sur l’ensemble du territoire est contrĂŽlĂ©e par l’occupant. MalgrĂ© une censure interdisant les manifestations anti-allemandes, ainsi que toute prĂ©sence juive, l’Occupation a connu un dĂ©veloppement sensible de la vie culturelle et des loisirs. Tant pour les occupĂ©s que pour les occupants, ils contribuent Ă faire oublier des temps sombres Ă tous.
Des que l’armistice franco-allemand entre en vigueur en juin 1940, la vie culturelle reprend dans la capitale française et dans les villes de province – occupĂ©es ou non. Il faut occuper les soldats allemands, souvent impatients de rentrer chez eux. Deux objectifs sont clairement poursuivis : divertir les soldats et exercer un contrĂŽle sur les Français.
(p.329)
Répressions « expiatoires » et persécutions allemandes
RĂ©pressions et persĂ©cutions sont la marque de l’Occupation. La persĂ©cution des Juifs commence dĂšs le mois d’octobre 1940 avec une sĂ©rie d’ordonnances allemandes en zone occupĂ©e (recensement des Juifs ; commerces « non aryens » marquĂ©s Ă la peinture ou signalĂ©s par une pancarte, etc.) et un « statut des Juifs » conçu par le rĂ©gime de Vichy – sans oublier la possibilitĂ© pour les prĂ©fets d’interner les Juifs Ă©trangers. La France sous l’Occupation, ce sont des justices « extraordinaires » au service de l’occupant (justice militaire, justice pĂ©nale « ordinaire » et justice d’exception). Ces justices ont pu compter sur le zĂšle de certains policiers et gendarmes français, mais aussi sur des actes de dĂ©lation.
QuatriĂšme de couverture
Le 14 juin 1940, les troupes allemandes entrent dans Paris. C’est le dĂ©but de quatre longues annĂ©es d’occupation de la France. Comment les Allemands l’ont-ils envisagĂ©e et prĂ©parĂ©e ? Quelles idĂ©es se faisaient-ils de leurs voisins d’outre-Rhin ? Comment se sont-ils comportĂ©s avec eux, Ă Paris ou en province ? Comment ont-ils vĂ©cu entre eux ? Ont-ils Ă©tĂ© libres d’agir comme ils le souhaitaient ? Quelles sont les images qu’ils conserveront aprĂšs-guerre de cette pĂ©riode si particuliĂšre ?
Telles sont, parmi bien d’autres, quelques-unes des questions auxquelles rĂ©pond Ăric Alary dans cet ouvrage. Puisant essentiellement aux sources allemandes, en grande partie inĂ©dites, il livre une histoire Ă la fois renouvelĂ©e et incarnĂ©e, grĂące aux nombreux destins individuels dont il se fait l’Ă©cho au moyen de tĂ©moignages Ă©clairants.