Sigmund Freud – Psychologie des foules et analyse du moi
Ce livre est, en quelque sorte, la suite de celui de Gustave Le Bon (voir ma critique).
Freud, dans les deux premiers chapitres, fait une lecture commentée du livre de Gustave Le Bon, avec mention surtout Quelques mentions sont faites aux livres « The group Mind », écrit par William McDowgall (1920) et « Instincts of Nerds in Peace and War » écrit par Wilfred Trotter (1916).
Il considère ces écrits plutôt comme une étude descriptive des foules. Il s’agit d’un regroupement d’individus avec un objectif commun. On retient trois points essentiels des foules : une sorte d’âme collective qui se crée et, pour chaque individu, une affectivité extraordinaire exaltée et un rendement intellectuel notablement limitée. Ces deux processus sont orientés vers l’assimilation des individus entre eux.
Freud, dans la deuxième partie de ce livre, nous propose une étude explicative du phénomène des foules, du point de vue de sa théorie psychanalytique.
Sur chaque aspect il montre comment des concepts de la psychanalyse seraient applicables à la psychologie des foules : l’identification, état amoureux, hypnose, pulsions sexuelle et grégaire, une comparaison entre les foules et les hordes et, finalement, une analyse du « moi » dans une foule. Quelques points intéressants, mais non exhaustifs, sont présentés dans les « Citations ».
Deux exemples sont traités en début de son exposé sur deux foules simples : l’Église et l’Armée. Dans l’Église on a l’amour au prochain et l’amour de Christ, le meneur. Dans l’Armée, on a une structure hiérarchique où, à chaque niveau on a un meneur et un groupement d’individus qui ont un objectif commun.
Comme tout livre écrit par Freud, celui-ci contient des termes spécifiques de la psychanalyse. Pour une bon compréhension du texte, une connaissance même superficielle de la psychanalyse est suffisante. Deux livres sont souvent mentionnés (mais pas que ces deux) : « Le moi et le ça » et « Totem et tabou ».
Le livre « Psychologie des foules » de Gustave Le Bon mérite quelques mots ici. Dans la critique que j’ai fait de ce livre, j’ai fait mention à l’existence d’une polémique. Certains auteurs suggèrent que le livre écrit par Gustave Le Bon serait un plagiat de livres écrits 4 années auparavant. Le livre pris comme référence par Freud dans son étude était bien celui de Gustave Le Bon et pas les autres. Freud mentionne très rapidement quelques lignes des autres livres, ce qui montre bien qu’il les a connus tous, mais que la référence pour lui est bien celui de Gustave Le Bon, livre dont il ne se prive pas de faire l’éloge.
Citations
(p.23-24)
Comprenons bien une fois encore quel est l’état de la question : si la psychologie, qui s’attache aux dispositions, motions pulsionnelles, mobiles, desseins, d’un homme isolé, jusque dans ses actions et ses relations à ses proches, avait résolu la totalité de ses problèmes et percé à jour cet ensemble de connexions, elle verrait soudain surgir devant elle un nouveau problème non résolu. Il lui faudrait expliquer ce fait surprenant que cet individu, devenu pour elle compréhensible, sent, pense et agit, sous l’effet d’une condition déterminée, d’une manière toute différente de ce qu’on attendait de lui, et cette condition c’est l’entée dans les rangs d’une multitude d’hommes qui a acquis la qualité d’une « foule psychologique ». Qu’est-ce donc qu’une « foule », d’où tire-t-elle sa capacité d’influencer de façon déterminante la vie psychique de l’individu pris isolément, et en quoi consiste la modification psychique qu’elle impose à cet individu ?
(p. 45)
Nous sommes partis du fait fondamental qu’un individu isolé, au sein d’une foule, subit, sous l’influence de celle-ci, une modification de son activité psychique, à un niveau souvent profond. Son affectivité est extraordinairement exaltée, son rendement intellectuel est notablement limité, les deux processus étant manifestement orientés vers une assimilation aux autres individus de la foule; résultat qui ne peut être obtenu que par la levée des inhibitions pulsionnelles propres à chaque individu isolé, et par le renoncement à une réalisation de ses tendances, qui lui est particulière. Nous avons vu que ces effets, souvent non désirés, sont éclipsés, au moins partiellement, par une « organisation » supérieure des foules, mais on n’a pas pour autant contesté le fait fondamental de la psychologie des foules, à savoir les deux axiomes de l’exaltation des affects et de l’inhibition de la pensée dans la foule primitive.
(p. 94)
La psychologie individuelle, bien plutôt, est nécessairement tout aussi ancienne que la psychologie des foules, car dès le début il y eut deux sortes de psychologie, celle des individus en foule et celle du père, du chef, du meneur. Les individus de la foule étaient réunis par les mêmes liens que ceux qui nous trouvons aujourd’hui, mais le père de la horde originaire était libre. Ses actes intellectuels étaient, même dans leur isolement, forts et indépendants, sa volonté n’avait pas besoin d’être renforcée par celle des autres. En conséquence de quoi nous supposons que son moi avait peu de liens libidinaux, il n’aimait personne en dehors de lui et n’aimait les autres que dans la mesure où ils servaient ses besoins. Son moi ne cédait rien de superflu aux objets.
(p. 103)
Ce miracle, nous l’avons compris dans le sens où l’individu abandonne son idéal du moi et l’échange contre l’idéal de la foule, incarné dans le meneur. Le miracle, qu’il nous soit permis d’ajouter cette correction, n’est pas également grand dans tous les cas. La séparation du moi et de l’idéal du moi n’est, chez de nombreux individus, guère avancée, les deux coïncident encore facilement, le moi a souvent conservé l’autosatisfaction narcissique antérieure. Le choix du meneur est très facilité par cet état de choses. Il lui suffit souvent de posséder les propriétés typiques de ces individus, avec un relief particulièrement net et pur, et de donner l’impression d’une force et d’une liberté libidinale plus grandes; alors le besoin d’un chef énergique vient à sa rencontre et le revêt de la surpuissance à laquelle sans cela il n’aurait peut-être aucunement prétendu. Les autres, dont l’idéal du moi ne se serait pas sans cela incarné dans la personne sans subir de retouche, sont alors entraînes « suggestivement », c’est-à-dire par identification.
(p. 121)
Les deux états, l’hypnose aussi bien que a formation en foule, sont des sédiments, héréditaires provenant de la phylogenèse de la libido humaine, l’hypnose comme disposition, la foule, en plus comme survivance directe. La substitution des tendances sexuelles inhibées quant au but aux tendances sexuelles directes favorise dans les deux cas la séparation du moi et de l’idéal du moi, ce qui commence déjà dans l’état amoureux.
Quatrième de couverture
« La névrose rend asocial. Elle exerce sur la foule une action désagrégeante, exactement comme l’état amoureux. »
Pourquoi l’individu change-t-il dès qu’il entre dans un groupe ? Qu’est-ce qu’un leader et comment la foule se laisse-t-elle diriger ? Publié en 1921, ce texte fondamental, qui scelle la rencontre de la psychanalyse et de la psychologie sociale est à l’origine, avec « Au delà du principe de plaisir » (1920) et « Le Moi et le Ça » (1923), d’une manière radicalement nouvelle de penser le fonctionnement du psychisme humain. Les principaux thèmes en sont le narcissisme et l’identification , la pulsion grégaire et l’hypnose, l’idéalisation et l’état amoureux.
Il est suivi pour la présente édition de « Psychologie des foules » (1895), célèbre essai de Gustave Le Bon sur lequel Freud s’appuie pour bâtir sa théorie.