Mario R. Dederichs – Heydrich, le visage du mal

Il s’agit de la biographie de Reinhard Heydrich, un officier général nazi de la SS, le “bras droit” de Heinrich Himmler, commandant de la SS.

Un livre divisé en 6 chapitres : Ses origines, enfance, jeunesse et jeune adulte jusqu’à l’ascension de Hitler; sa ascension rapide avant le début de la guerre; la planification de l’élimination des Juifs; la période en tant que gouverneur (Statthalter) en Tchécoslovaquie; l’attentat et la mort en 1942 et, enfin les suites de sa famille.

Les apparences sont trompeuses, très trompeuses. Tout au début, lorsque je me suis intéressé à cette époque de l’histoire, j’ai regardé les portraits des dignitaires nazis. Si on enlève le képi à la tête de mort de Heydrich, on dirait presque qu’il est, disons, moins antipathique que ses acolytes : Hitler, Himmler, Goëring ou Goebbels.

C’est probablement le pire d’entre eux. Nazi convaincu, bien plus intelligent que son supérieur Himmler, il est ambitieux, opportuniste, machiavélique. Ses qualités méthodologiques étaient reconnues par Himmler et Hitler.

On lui doit l’organisation de la “Solution Finale” formalisée lors de la “Conférence de Wannsee” – conférence qui n’a duré qu’une heure. On ne parle pas assez dans ce livre.

Quoi que Dederichs n’était pas historien, il s’agit d’un travail journalistique d’investigation de, à mon humble avis, très bonne qualité. Ce livre, avec ses 200 pages, brosse un portrait assez fidèle de Reinhard Heydrich. Si on veut aller plus loin, il faut lire la biographie de Heydrich, par Robert Gerwarth, puis “Heydrich et la solution finale” de Edouard Husson et “La conférence de Wannsee” de Peter Longerich.

A noter que Mario Dederichs est décédé en 2004. Ce livre a été publié juste après sa mort.

Citations

(p.93)

C’est qu’entre-temps, la Gestapo et le SD s’étaient comportés à merveille à l’occasion de l’entrée du Führer en Autriche : exploitant les listes dressées par les services de Heydrich, ils avaient arrêté tous les opposants, et jeté en un tournemain sur le petit pays alpin les filets de la police d’État. Le 14 mars, le Führer célébra à l’Hotel Imperial de Vienne la parfaite réussite de l’Anschluss de l’Autriche à l’Altreich (“Ancien Empire”), au mépris du diktat de 1919. Il loua publiquement Heydrich : “Vous avez contribué de façon décisive à l’abolition du traité de Saint-Germain. C’est magnifique et je vous en remercie !”

(p. 95)

Le soir de novembre 1938 où l’Allemagne retomba dans la barbarie, le couple Heydrich était allé se coucher de bonne heure, dans sa maison de Berlin-Schlachtensee. Des coups frappés à la porte de la chambre éveillent soudain Lina, tandis que son époux continue de dormir. “Qui frappe ?” crie-t-elle. Le garde du corps répond : “C’est Schmidt. Le général doit appeler le bureau tout de suite!” Elle demande : “Qu’est-ce qui se passe ?”, la réponse tombe : “Les synagogues brûlent!” Elle réveille son mari. Il se dépêche de revêtir son uniforme noir et part en trombe. Il ne revient que plusieurs heures après et paraît à sa femme “troublé et absent”. Il déclare pour finir : “Ils ont tout cassé”, saccagé et pillé les magasins… On ne pourra plus freiner les agressions contre les Juifs, à présent.”

C’est ainsi qu’apparaît le rôle de Heydrich dans la “Nuit de cristal” du 9 au 10 novembre 1938 – au moins si l’on en croit Lina Heydrich et ses Mémoires (Leben mit einem Kriegsverbrecher, “La vie avec un criminel de guerre”). Mais rien de tout cela n’est vrai.

Ce soir-là en fait, comme tout ce que le nazisme comptait d’élites, Heydrich était à Munich, loin de Lina. …

(p. 157)

Dans l’intimité, Heydrich laissait déjà percevoir qu’il voulait être un jour “le premier homme dans le Reich allemand”. Le Führer vieillissant aurait pu prendre alors une fonction purement cérémonielle. En marge des championnats d’escrime à Bad Kreuznach, en 1941, Heydrich aurait même dit à deux amis sportifs – en termes assez vifs – qu’il mettrait Hitler hors d’état de nuire, si “le vieux foutait la merde”.

Quatrième de couverture

Blond, yeux bleus, haute stature, physique athlétique, uniforme noir, casquette à tête de mort vissée sur la tête, Reinhard Tristan Eugen Heydrich (1904-1942) a été, de 1933 à 1942, l’incarnation paroxysmique de la terreur nazie.

Bras droit du Reichsführer SS Himmler, il dirige d’une poigne de fer l’appareil répressif nazi. À la tête du service de sécurité de la SS (SD), de la police criminelle (Kripo) et de la Gestapo, il transforme les visions haineuses de Hitler en actes barbares. Planificateur de l’Holocauste, Heydrich organise les massacres de masse à l’Est avec les Einsatzgruppen, puis préside la conférence de Wannsee du 20 janvier 1942, point de départ de la « solution finale ». Il disparaît lors d’un attentat perpétré en mai 1942 par des résistants tchèques.

Mario R. Dederichs explore les abîmes intérieurs du “diable à forme humaine” n’ayant jamais hésité à concurrencer Himmler dans l’horreur.

Mario R. Dederichs (1949-2003) fut correspondant du Stern à Washington, Moscou et Bonn, où il a eu accès à des archives inédites sur Heydrich.