Pierre Birnbaum – Les larmes de l’histoire

Ce livre traite la question “Les Juifs ont toujours été des victimes ? Un récit à interpréter comme une vallée de larmes ?

Le point de départ est un livre écrit pas un juif, Salo Baron (1895-1989), défendant la thèse comme quoi ça n’a pas toujours été le cas. Pour lui, ce qui nous est resté du Moyen Âge est surtout les événements de persécution alors qu’il aurait eu beaucoup d’intervalles dans lesquels les Juifs ont pu vivre normalement.

Puis, après les pogroms du début du XXème siècle dans l’Europe de l’Est, les Juifs ont émigré vers les États-Unis, un pays où présence de l’État est moins forte qu’en Europe, où ils ont pu mener une vie plus tranquille et être moins importunés.

L’auteur montre que ce n’est pas exact. D’une part, en Europe au Moyen Âge les juifs n’ont jamais eu des périodes assez longues de stabilité. Et d’autre part, aux États Unis, depuis le début du XXème siècle ils ont toujours été pris en cible par les mouvements suprémacistes blancs (Ku Klux Klan et similaires), avec des lynchages et attentats et c’est toujours le cas, avec une augmentation pendant la période Donald Trump.

Ce livre fait référence à celui de Philippe Roth : Le complot contre l’Amérique. Un romain fiction (uchronie) où Charles Lindberg, sympathisant de Hitler, se candidate à la présidence contre Roosevelt et remporte l’élection et la vie des juifs en Amérique devient similaire à celle de l’Allemagne lors de la prise de pouvoir par Hitler. Ça aurait pu arriver.

Un livre intéressant et très bien documenté. Un contenu assez différent de ce que l’on a l’habitude de lire en France.

Citations

Quatrième de couverture

Ecrire l’histoire du judaïsme, est-ce narrer le récit d’une vallée de larmes ?

Non répondit longtemps un des plus grands historiens du judaïsme, Salo Baron (1895-1989). Né en Galicie, au sein de l’empire des Habsbourg, invité à enseigner à New York en 1926, il découvrit alors ce qu’il pensait être l’exceptionnalisme américain.

Société neuve, les États-Unis n’ont pas connu les Croisades, les affres du Moyen Âge, les malheurs de l’Inquisition, les pogromea de l’Europe de l’Est et de l’empire russe, dont celui de Kichinev en 1903 marqua tous les esprits ; ils ont échappé au pire, à l’expulsion des Juifs européens. Baron en est persuadé, les États-Unis démentent à eux seuls ce qu’il appelle « la vision lacrymale de l’histoire », le récit du destin du judaïsme comme la liste ininterrompue des persécutions et des massacres. Tout au plus les Juifs américains se heurtent-ils à des préjugés, à des barrières sociales dans les clubs et les universités, mais jamais à un antisémitisme théorisé en idéologie politique à l’instar de l’Allemagne et de la France.

Pourtant, en avril 1913 éclate à Atlanta l’affaire Leo Franck, le lynchage d’un Juif accusé du meurtre rituel d’une jeune fille. Première manifestation d’un antisémitisme de haine qui va éclore jusqu’à nos jours, porté par les suprémacistes blancs. Des centaines de synagogues ont brûlé au cours des décennies, jusqu’au massacre de Pittsburgh en 2018 et aux slogans antisémites lors de la tentative de putsch contre le Capitole en janvier 2021.

La romance de l’exceptionnalisme sanctifiée par Salo Baron et à sa suite par les historiens du judaïsme américain se trouve-t-elle ainsi durablement démentie ? Est-ce ici aussi le retour de l’histoire lacrymale ?